Elle l'un des trois pays d'Europe à avoir admis l'euthanasie. La Belgique exerce selon le Pr Didier Sicard un lobbying en France. Or la tendance chez les Belges est à l'ouverture de la loi.
"La France est le pivot dans ce domaine : s'il y avait une loi sur l'euthanasie en France, elle entraînerait beaucoup de pays dans cette aventure", nous dit le Pr Didier Sicard, auteur d'un rapport en 2012 sur la fin de vie - l'un des sujets les plus débattus lors des débats publics des États généraux de la bioéthique (dont la phase consultative s'est achevée le 30 avril 2018). Des trois pays d'Europe à avoir légalisé l'euthanasie, la Belgique exerce "un lobbying" dans notre pays, observe le Pr Sicard.
ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE - Dès le 18 janvier 2018 s'ouvrent les États généraux de la bioéthique, une vaste réflexion pour réfléchir aux questions éthiques que posent les progrès de la science. Des débats que vous pourrez suivre sur RCF.
Trois pays en Europe ont légalisé l'euthanasie : les Pays-Bas depuis avril 2001, la Belgique depuis avril 2002 et le Luxembourg depuis mars 2009. Ces trois pays "restent totalement isolés, je ne vois pas d'autres pays qui soient favorables à l'euthanasie en Europe", observe Didier Sicard. ​La Suisse est un peu à part sur ce sujet. Le suicide assisté y est autorisé mais dans seulement huit des 26 cantons. L’euthanasie est donc encore assez confidentielle en Europe puisque ces pays ne représentent que 5% de la population européenne.
"Les Belges souffrent un peu de se retrouver seuls en Europe avec cette loi et donc font un lobbying qui m'a paru quelques fois un peu excessif, confie Didier Sicard, dans la mesure où très souvent ils sont présent dans les débats sociétaux en France." Pour l'ancien président du CCNE, la Belgique veut sortir de sa position marginale en Europe. "Je suis frappé de voir comment le lobby belge finit par culpabiliser les Français en leur disant : vous êtes en retard, vous avez accepté l'avortement pourquoi est-ce que vous n'acceptez pas l'euthanasie?"
En Belgique la loi du 28 mai 2002 ne légalise pas l’euthanasie, mais elle la dépénalise sous certaines conditions. Le patient doit se trouver "dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable", selon le texte de loi. Près de 15.000 personnes ont été euthanasiées entre 2002 et 2016 en Belgique, selon les données officielles de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie.
Le problème, c’est que la loi ne cesse de s’élargir depuis 2002. "Le problème depuis 17 ans en Belgique, explique le Pr Sicard, c'est qu'il y a eu 35 projets de loi qui se sont succédés depuis, parce que chaque année la loi belge est soumise à des demandes d'extension des possibilités, pour des mineurs, pour des malades déprimés, pour des malades psychiatriques, pour des malades dont la conscience est un peu altérée..." Le professeur de médecine français souligne "l'émoi de certains psychiatres, de certains juristes belges, qui trouvent que la situation devient extrêmement difficile à contrôler". Dans un pays où, "depuis 2010, il n'y a jamais eu de débat devant une cour de Justice, les médecins et les malades se sentent autorisés à pratiquer l'euthanasie". Le Pr Sicard observe "une tendance naturelle à l'ouverture" de la loi.
La Belgique a particulièrement marqué les esprits lorsqu'elle a légalisé, le 28 février 2014, l'euthanasie pour les mineurs sans limite d'âge - une première dans le monde. "Une loi idéologique, juge Carine Brochier, certains idéologues ont jugé bon d'ouvrir de plus en plus la porte de l'euthanasie."
L'Institut européen de bioéthique (IEB) prépare un livre sur le sujet, qui sera publié au mois de septembre. L’objectif : présenter l’envers du décor de l’euthanasie en Belgique. "Il ne faut surtout pas croire que tout se passe bien en Belgique, c'est se voiler la face de dire que c'est une belle mort et que tout le monde est d'accord", explique Carine Brochier de l'IEB. Parmi les dérives de l'ouverture de cette loi, l'euthanasie pour souffrance psychique, contre laquelle "des psychiatres, des psychologues se mobilisent" depuis un an. "On en est venu à euthanasier des personnes qui étaient gravement dépressives... Or ce désir de mort fait partie de leur pathologie."
"L'euthanasie reste une transgression majeure", rappelle le Père Gabriel Ringlet, prêtre du diocèse de Liège, vice-recteur de l'université catholique de Louvain, qui accompagne des personnes ayant demandé l'euthanasie. Il constate que "face à ces demandes d'euthanasie" un accompagnement spirituel est "très très demandé, aussi bien du côté de catholiques pratiquants que du côté de personnes tout à fait athées".
En dehors de toute position éthique, il prêche pour "une spiritualité de l'impasse". "Il y a une vraie soif à interroger le sens d'un tel geste, d'une telle fin de vie, et je trouve qu'au nom de l'Évangile, je vais jusque là, une parole de compassion, une véritable parole de compassion évangélique, doit être possible." Le P. Ringlet rapelle que plus d’une fois sur deux, l’accompagnement spirituel d’une personne qui demande l’euthanasie aboutit à une mort naturelle avant l’acte d’euthanasie.
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