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Le ministère du bonheur suprême, d'Arundhati Roy

RCF,  - Modifié le 8 février 2018
​Christophe Henning nous présente « Le ministère du bonheur suprême » le dernier livre d’Arundathi Roy, publié aux éditions Gallimard.
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Le premier roman d’Arundhati Roy « Le dieu des petits riens » est paru il y a vingt ans. Elle nous revient aujourd’hui avec « Le ministère du bonheur suprême », qui n’est peut-être pas très éloigné de son premier livre : c’est toujours les petites choses de la vie qui sont extraordinaires sous la plume de ce magnifique auteur indien, qui n’est pas qu’un écrivain. Romancière mais aussi militante anti-corruption, écolo, altermondaliste, et essayiste, Arundhati Roy a pu raconter les dégâts que peut causer un gigantesque barrage hydrolique. Mais changeons de politique : j’en viens au « ministère du bonheur suprême », une histoire à tiroir, flamboyante, kaléidoscopique, magique. Impossible de vous présenter tous les acteurs de cette comédie, tant les personnages entrent et sortent comme dans un théâtre de papier : « C’est peut-être ça la vie, écrit-elle, répéter en vue d’une représentation qu’on ne jouera jamais ».
 
Plus de cinq cents pages qui nous entraînent sur les fractures de l’Inde moderne, avec des personnages souvent tiraillés par ces différences, Anjum, qui est à la fois femme et homme, ou encore cet hindou qui se fait passer pour un musulman, cet ancien fonctionnaire devenu militant anti-corruption… Toutes les blessures de l’Inde sont ravivées, les conflits religieux, la montée de l’intégrisme hindou, la lutte pour l’autonomie du Cachemire, les victimes de l’explosion de l’usine Union Carbide, à Bhopal… Les récits s’emboîtent, se chevauchent, se cognent : c’est totalement décousu ! Même si on retrouve quelques belles figures tout au long du roman, c’est foisonnant, d’histoires, de digressions, de légendes urbaines et de miséreux qui s’installent dans les cimetières pour y récréer un semblant de société… Il faut se laisser porter, ne pas chercher à tout saisir.
 
Une plongée dans un autre monde : l’Inde c’est le continent des paradoxes. Avec Arundhati Roy, les intouchables sont d’une incroyable richesse, les violences cachent des âmes sensibles, la modernité percute une histoire ancestrale, le temps s’arrête, les bébés ressemblent, écrit-elle, « à des fleurs d’amandier à joues de pomme ». L’Inde, c’est la démesure d’un continent qui palpite dans les petits riens. C’est pas ça le bonheur suprême ?

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