Chaque semaine dans Midi Lorraine, Stéphane Jourdain repasse l'actualité dans sa chronique "L'actu vue par un prêtre". Ce jeudi, il évoque les accusations de favoritisme à l'encontre du ministre du Travail, Olivier Dussopt...
RCF : Bonjour Stéphane… De quoi avez-vous prévu de nous parler aujourd’hui ?
Stéphane Jourdain : Il y a 3 mois et 3 jours – soyons précis - je faisais une chronique sur l’intrication quantique. Je ne sais pas si vous vous souvenez, c’était à l’occasion du prix Nobel du physicien français Alain Aspect. Figurez-vous que vendredi dernier une personne m’a offert un livre de ce même physicien, livre intitulé « Einstein et les révolutions quantiques ». C’est un petit ouvrage de vulgarisation de 67 pages qui présente la physique quantique et ce qu’elle induit aujourd’hui dans notre société. Rassurez-vous, je ne vais pas vous en faire un résumé. Il est très facilement lisible si l’on possède quelques bases en sciences physiques… Un lycéen de terminale peut le comprendre sans grand effort.
Du coup, je me suis dit que j’allais parler d’une autre de mes passions, les Porsche ! Vous savez, ces voitures de sport super jolies, qui ont des performances de folie… Des fois que quelqu’un parmi les auditeurs ait l’idée de m’en offrir une… Laissez-moi rêver. Ok, j’accepte même qu’on me la prête juste pour faire un tour…
Plus sérieusement (quoique l’annonce reste sérieuse), ça m’a fait penser à tout un tas d’avantages que l’on peut recevoir en nature de la part de personnes que l’on côtoie.
RCF : C’est un peu ce qui est arrivé à un ministre récemment n’est-ce pas ?
SJ : Effectivement, Le ministre du Travail Olivier Dussopt a annoncé ce vendredi dernier que le parquet national financier (PNF) avait retenu l'infraction de "favoritisme" dans l'affaire de deux œuvres d'art qu'il avait reçu en cadeau en 2017 suite à un marché public conclu en 2009 avec un groupe de traitement de l'eau. Mais est-ce que le livre que j’ai reçu n’est pas une sorte de favoritisme lui aussi ? Vous allez me dire, je n’avais rien demandé. Je ne sais pas si c’est le cas pour le ministre, mais 8 ans plus tard, ça fait long pour un renvoi d’ascenseur. Alors je vais prendre un autre exemple.
Quand j’étais séminariste, dans les années 90, je devais faire un stage en entreprise, pour découvrir une facette du milieu du travail. J’ai postulé dans une entreprise allemande, proche de chez mes parents, parce que je connaissais quelqu’un qui pouvais m’y faire entrer. Et ça a fonctionné. Un petit coup de piston, et moins de demandes de travail d’été à faire, de CV et de lettres de motivation à produire. Ça m’a bien arrangé, mais est-ce juste de solliciter un coup de pouce de cet ordre, ou du moins de l’accepter car c’est la personne concernée qui m’avait dit : « Ne t’inquiète pas, je te ferai embaucher »
RCF : En même temps Stéphane, si on ne peut plus s’entraider…
SJ : C’est vrai. Et ce n’est pas grand-chose, j’ai travaillé, je n’ai rien volé… Mais comment dès lors peut-on en vouloir à des élus locaux qui se voient offrir un séjour de quelques jours au soleil pour rencontrer d’autres élus et partager autour de la problématique qui les réunit. Ou de l’entreprise qui les invite ? Idem pour des médecins qui feraient un congrès de 3 jours à Ibiza pour 2 heures de réunion, le tout payé par une société pharmaceutique. Vous pouvez multiplier les exemples. On en arrive à une villa offerte à un ministre pour se reposer les week-ends, etc…
Ce qui est en cause, c’est le même schéma, même si mon livre n’a pas été sollicité… Je n’ai pas écrit la chronique d’il y 3 mois et 3 jours pour recevoir un livre (à la différence de celle-ci pour la Porsche, je le rappelle !). Et donc je vois 2 solutions à ce dilemme moral… La première c’est de refuser tout cadeau qui risquerait de décrédibiliser une impartialité qui n’est jamais totale, car tous nous sommes intéressés par certains sujets plutôt que d’autres. Mais cela me paraît être une impasse. Jésus lui-même n’a pas hésité à accueillir le parfum que lui versait sur la tête Marie-Madeleine, dont on sait comment elle avait gagné l’argent pour acheter ce parfum… Un cadeau, surtout non sollicité, un coup de pouce, ce n’est pas une remise en cause de l’égalité. Surtout quand cela se propage. Jésus encore, un soir, en arrivant chez Pierre, guérit sa belle-mère, et ensuite les malades qu’on lui apportait de partout. Masi il a commencé avec la belle-mère de Pierre. Il y a des amitiés qui facilitent les choses, sans que cela ne devienne exclusif. Dans ce cadre-là, rien n’empêche les coups de pouces ou les remerciements.
RCF : Et l’autre solution Stéphane ?
SJ : Je crois qu’il faille officialiser les coups de pouce, le remerciement, le cadeau reçu, et oser dire merci, publiquement, pour que rien de ce qui est caché ne soit plus tard mis à jour à nos dépens. Oser rendre grâce en quelques sorte pour la chance offerte par une personne, pour un cadeau accepté, gratuitement, par amitié ! Bien entendu, il y a une différence d’échelle qu’il faut maitriser. Entre mon livre et les tableaux reçus par le ministre du travail, il y a une différence de prix… La logique et le bon sens permettent de mettre des normes (en disant ça, je suis en train de refuser la Porsche qu’un auditeur va peut-être vouloir m’offrir… Zut).
Une dernière option possible : celle choisi par le pape François à qui on avait offert une Lamborghini. Il l’a vendue aux enchères et en a donné le bénéfice aux plus pauvres… Vous voyez, en s’y mettant, on finira bien par trouver des solutions. En attendant, merci à Marion pour le livre, qui a servi déjà pour l’homélie de dimanche dernier dans ma paroisse… Et merci à celui qui viendra me faire essayer sa Porsche… Ca, ça passe je pense !
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