Le père Émile Shoufani s’est éteint dimanche 18 février 2024. Ses obsèques ont été célébrées lundi 19 Février 2024 à Nazareth. Durant près de 50 ans, celui qui était surnommé le curé de Nazareth aura été un artisan du dialogue entre juifs et arabes en Israël.
Le père Emile Shoufani, archimandrite grec-catholique à Nazareth, s'est éteint dimanche 18 Février 2024 au matin. Symbole de dialogue et de paix entre Israéliens et Palestiniens ses obsèques ont été célébrées lundi 19 Février 2024 à Nazareth.
Surnommé le curé de Nazareth, Emile Shoufani est né en 1947, la Palestine est alors sous mandat britannique. L’année suivante, sa famille est chassée de son village par les israéliens. Son oncle et son grand-père sont tués par l'armée israélienne. Une histoire douloureuse qu’il surpassera en quelque sorte grâce à sa grand-mère Elle lui apprend dès le plus jeune âge l’importance du pardon.”Pour elle", avait confié Emile Shoufani à RCF, la question du pardon était fondamentale, elle dépassait la révolte de mon père, de mes oncles. “Je ne suis pas faite pour les morts, je suis faite pour les vivants," martelait elle. “ Cette réalité du pardon, d'une pacification du regard et du cœur devait être plus forte que toute attitude de haine et de vengeance. Ma grand mère avait une foi extraordinaire, la foi d'une femme paysanne, terre à terre, devant la réalité de la mort de son fils et de son mari.”
Le témoignage de sa grand-mère sera structurant pour Emile Shoufani qui choisit de devenir prêtre. A 19 ans, il part étudier en France au séminaire d’Issy les Moulineaux. C’est lors de ce séjour qu’il découvre l’horreur de la Shoah. Une expérience bouleversante qui va dicter ensuite toute son action en faveur de la paix entre israéliens et palestiniens. "En face de ces fourneaux, en face de ces prisons, j’ai ressenti un étouffement, un étranglement.
Et puis il y a les larmes lorsque l'on voit ce que peut être l'anéantissement d'un homme, l'anéantissement d'une femme, l'anéantissement systématique d'un enfant. Je n’avais pas connaissance de cette réalité.
Durant près de 50 ans, le curé de Nazareth œuvre au rapprochement entre juifs et arabes en Israël. Le journaliste Hubert Prolongeau a raconté l'histoire de ce prêtre hors du commun dans le livre "Le curé de Nazareth" aux éditions Albin Michel. Il rappelle "qu’Emile Shoufani a été le premier à enseigner la Shoah dans une école arabe au collège Saint-Joseph de Nazareth. Après la deuxième intifada," ajoute t’il, "il a réussi à emmener 500 juifs et arabes à Auschwitz. C'était une expérience. bouleversante, on a vu des murs qui tombaient, une émotion d’une grande intensité… De nombreux arabes israéliens découvraient ce qu'avait été la Shoah. Jusque là, Ils pensaient que ce qu'on leur racontait, c'était de la propagande juive. Cette visite a été le point d'orgue de l'action d'Émile Shoufani pour tenter de rapprocher les peuples. Malheureusement l’histoire n’est pas allée dans son sens."
L'éducation et la jeunesse étaient le fer de lance d'une paix possible." assure Hubert Prolongeau. "Il avait établi des liens entre l'établissement Saint-Joseph et un collège israélien. Tous les ans, il y avait des enfants juifs qui venaient à Nazareth et des enfants arabes qui allaient à Jérusalem. Il a fallu pour ça vaincre des préjugés énormes. Il a été beaucoup aidé en ce sens par la directrice de l'école juive de Jérusalem. Certains parents d’élèves pensaient qu'envoyer leurs enfants à Nazareth, c'était les envoyer quasiment à la mort ou presque. Qu'ils réussissent à établir ces échanges interreligieux pendant aussi longtemps, ça a été une énorme victoire." Une action qui lui a valu plusieurs récompenses. Émile Shoufani a reçu en 2003 le Prix UNESCO de l’éducation pour la paix, et en 2014 le Prix de l’Amitié judéo-chrétienne de France.
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