Le Rassemblement national (RN) a réussi là où le Parti socialiste (PS) semble échouer : se relever d’une défaite cuisante lors de la présidentielle de 2017. Pour 2022, le scénario d’un second tour Macron-Le Pen est de nouveau l’hypothèse privilégiée. Le baromètre Ifop-Fiducial pour LCI et le Figaro montrait lundi que la candidate du RN ferait la course en tête au premier tour, avant d’être une nouvelle fois battue par Emmanuel Macron.
Sauf que cette fois-ci, l’écart serait resserré par rapport à leur premier duel. À tel point qu’on imagine la stupeur que créerait une non qualification de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2022. Pour le politologue Jean-Yves Camus, directeur de l'Observatoire des radicalités politiques à la fondation Jean Jaurès, "on est face à quelque chose qui est de l’ordre de la prophétie autoréalisatrice". Selon lui, le risque c’est "qu’à force de parler du second tour Macron-Le Pen [...] il y ait de plus en plus d’électeurs qui se laissent prendre au jeu".
D’ailleurs, les idées du Rassemblement national se banalisent : 42 % des Français estiment aujourd’hui que le parti d’extrême-droite n’est pas un danger pour la République, selon le baromètre d’image du Rassemblement national publié début mai par Kantar Public. Celui-ci montre une dynamique ascendante pour le parti, ses idées et l'image de sa présidente. Certains indicateurs se rapprochent en effet des plus hauts niveaux enregistrés dans ce baromètre, mis en place il y a plus de 30 ans. Le RN est désormais bien implanté comme le décrypte Eddy Vautrin-Dumaine, directeur d’études chez Kantar Public qui estime que "désormais, l’opposition à la République en marche est incarnée par le Rassemblement national. Même si le Rassemblement national n’est pas un parti comme les autres, il n’est plus question aux yeux des Français qu’il puisse disparaître du paysage politique".
Et cela se traduit par une dynamique électorale. La part des Français interrogés qui n'ont jamais voté pour le RN mais qui envisagent de le faire progresse de 12 %. D'une manière générale, plus d'un quart des Français envisagent de voter pour le Rassemblement national à l'avenir. Ce qui semble montrer que la fameuse "dédiabolisation" du parti par Marine Le Pen, dont on parle depuis de nombreuses années, semble porter ses fruits. Cela est notamment dû au changement de style insufflé par Marine Le Pen, marquant une rupture avec son père. Mais pour Cécile Alduy, professeur à l’université de Stanford aux Etats-Unis, et spécialiste des discours politiques, il ne s’agit que d’un changement stylistique : les mots ont changé mais on continue de parler de la même chose. "Jean-Marie Le Pen, c’est l’ombre qu’on ne voit plus, mais qui insuffle tout son sens au programme qui perdure au Front national", explique la sémiologue.
Illustration de ce dédoublement du discours avec le concept de "laïcité". Contrairement à son père qui avait invité les Français en 2022 à "rentrer dans l’espérance" en reprenant la célèbre phrase du pape Saint Jean-Paul II, Marine Le Pen fait référence au religieux de manière plus opaque, comme nous le dit la sémiologue Cécile Alduy : "Elle affiche plutôt un profil laïc dans ses argumentaires mais quand on écoute ses discours [...] il y a une sorte de mythologie religieuse [...] une sorte de sous-textechrétien et biblique".
Conséquence de cette nouvelle rhétorique : selon le baromètre Kantar Public, 55 % des Français considèrent désormais que le RN pourrait accéder au pouvoir. Mais, il reste un problème de taille, là encore à en croire ce baromètre : la question de la crédibilité. Elle demeure un frein important pour le parti de Marine Le Pen. Seul un tiers (33 %) des Français considère le RN comme un parti qui a la capacité de participer à un gouvernement. Un chiffre qui reste inférieur aux niveaux observés avant 2017.
Selon Eddy Vautrin-Dumaine, directeur d’études chez Kantar Public, "l'enjeu pour Marine Le Pen sera donc de réussir à élargir son socle électoral au-delà de sa propre base électorale, qui lui demeure fidèle pour l'instant". Et une troisième défaite à la présidentielle empêcherait sans doute la présidente du Rassemblement national de briguer un quatrième mandat. Pour le politologue Jean-Yves Camus, il faut comprendre qu’on y croit : "Pas comme dans un parti qui a l’habitude de l’alternance au pouvoir, mais on y croit comme dans un parti où on a été éloigné du pouvoir depuis, finalement, 1945, et où il y a une sorte d’attente fébrile qu’il vous soit fait justice par le peuple français".
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