La vue est, parmi nos cinq sens, celui que nous utilisons le plus dans notre quotidien. Un outil qui nous paraît indispensable et pourtant nous n’en profitons pas assez. Savons-nous vraiment regarder le monde qui nous entoure ? Comment apprend-on à l’observer et le contempler dans un environnement bruyant et pressé ?
L'arrivée du numérique a développé une certaine insensibilité à ressentir des émotions sur ce qui nous entoure et une crise de l’attention chez l’humain qui a tendance à ne plus prendre le temps d’observer autour de lui. Stéphane Coviaux, fondateur de l’association Venez et Voyez insiste sur la nécessité d’aiguiser son regard. Ancien contrôleur de gestion, il a décidé de changer de voie professionnelle et de s'orienter vers le métier d'anthropologue. Il y a 20 ans, il crée cette association pour "une pétillance de l’esprit grâce au regard" et propose depuis, des visites guidées de musées en France et à l'étranger, afin de partager l’importance de l'observation que l’on porte sur les œuvres.
On remarque dans notre société une crise de l’attention. Pour la surmonter, il faut réussir à reprendre le contrôle, saisir et comprendre le vivant. Plus simplement, c’est se relier aux choses, mieux les observer et mieux en profiter. Cette insensibilité au vivant donne l'impression de perdre le contrôle sur notre regard dans notre quotidien. "Aiguiser son regard c’est un savoir-faire qui devrait être plus partagé, il faut le développer", explique Nicolas Nova, anthropologue et auteur du livre Exercices d'observation aux éditions Premier Parallèle. Il y partage des méthodes et des astuces pour mieux appréhender ce qui nous entoure, comprendre et apprécier l’environnement. Cette observation est bénéfique tant dans sa vie professionnelle que personnelle, et reconstruit une relation avec le monde afin de retrouver une curiosité et un émerveillement.
Stéphane Coviaux qui accompagne régulièrement des personnes lors de visites guidées, témoigne de l’expérience réjouissante pour elles et lui-même de prendre le temps d’observer. Il revient sur l’expérience esthétique et les différentes manières de la ressentir. "Face à un tableau, beaucoup de stimulants surviennent et on prend le temps de regarder et découvrir des choses nouvelles. On entre dans une dynamique de compréhension de l’art. L’expérience esthétique commence face à l'œuvre et s’approfondit durant plusieurs jours". Brigitte, une auditrice de l'émission, démontre bien ce cas. Elle a redécouvert ce sentiment d’attachement et une légère nostalgie que procure l’observation : "Lors du déménagement de mes parents, je me suis rendu compte de l’attachement que j’avais à certains objets que je ne prenais pas forcément le temps d'observer au quotidien. C’était une observation obligée mais magnifique".
Observer et prendre le temps d’analyser ce qui nous entoure est un premier pas, mais comment prendre l’habitude de le faire ? Comment se réadapter à apprécier les choses simples et être attentifs au monde ? Patrice, un auditeur, ouvre ce questionnement en partageant une anecdote assez singulière. "Quelques fois, je descends les escaliers en fermant les yeux, et ça déclenche des sensations étonnantes et ça me permet de me reconnecter au sol et à ce qui m'entoure", raconte l’auditeur. Le regard est important mais l’est encore plus quand on le concilie aux autres sens.
Un des points clés pour mieux contempler est tout simplement de s’engager à observer sans parler et sans écouter. Ce travail s'organise en plusieurs étapes. "Après avoir pris le temps de contempler l'œuvre, on peut mettre des mots sur ce que l’on voit et cela favorise une sensibilité", explique Stéphane Coviaux. Pour Nicolas Nova, prendre des notes est aussi un excellent moyen de mieux observer car nous pouvons mettre des mots sur ce qui nous entoure, mais à l'écrit. C’est un outil complémentaire au regard. Il faut trouver ses propres manières d’observer, avec différentes perspectives pour une capacité d’observation précise. Enfin, un conseil primordial est de multiplier les points de vue. Stéphane Coviaux explique que lors de ses visites, il laisse les visiteurs commenter les œuvres pour mettre des mots sur ce que chacun perçoit des tableaux. Quelques fois, il ferme les yeux et se laisse balader par quelqu’un, un excellent moyen de développer son imagination.
Un apprentissage qui concilie la précision de l’observation mais aussi la capacité de prendre du recul pour comprendre ce qui nous entoure, avec des méthodes et des petites astuces pour apprécier davantage les choses simples du quotidien.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !