Dans un monde où l’individualisme est une valeur, où l’essence coule à flot, où l’urgence est partout, même pendant les vacances, où le lien avec la nature est secondaire, les politiques publiques ont massivement favorisé la voiture individuelle partout, parce que ça correspondait à une attente de la population. Et pourtant, le train, c’est le transport écolo par excellence, cela va bien plus loin que la seule question du climat: confort, sécurité, découverte du paysage, lien avec le territoire ...
Evidemment, le train, c’est fantastique, ce n’est pas moi qui vais vous dire le contraire. En réfléchissant à ma chronique, j’ai un souvenir fort qui m’est remonté à la mémoire. Enfant, nous allions régulièrement en famille l’hiver passer des vacances dans le chalet de ma grand-mère en Savoie. C’était toute une expédition avec des malles et … et un train de nuit.
Je me souviens de l’excitation folle au moment où le train commençait à quitter Paris, de cette idée incroyable d’un hôtel qui roule, de l’arrivée en gare d’Albertville, du bus qui nous attendait pour monter à Crest-Voland. La montagne était pour moi un endroit inaccessible aux voitures, en dehors de celles des habitants du coin, et c’était un paradis. Ce n’est qu’une fois étudiant que j’ai réalisé deux choses : tout d’abord que le ski alpin était vraiment un sport destructeur de l’environnement et particulièrement cher, surtout quand on n’a pas une grand-mère dans les Alpes, mais aussi que la plupart des touristes venaient en voiture pour la laisser une semaine sur un grand parking moche à l’entrée des stations. Ça a été un vrai choc culturel.
Le train, une question de culture
Pourquoi je vous raconte cette anecdote personnelle: hé bien parce que je pense que l’utilisation du train est une question de culture. Dans un monde où l’individualisme est une valeur, où l’essence coule à flot, où l’urgence est partout, même pendant les vacances, où le lien avec la nature est secondaire, les politiques publiques ont massivement favorisé la voiture individuelle partout, parce que ça correspondait à une attente de la population.
Mais le train ne sert pas que pour les vacances. Le train reste d’ailleurs le transport principal pour les « migrations pendulaires », ces allers-retours quotidiens pour aller travailler, et ce sont ces transports qu’il faut renforcer, en particulier en zone rurale. Je vous parlais de ces politiques publiques qui ont favorisé la voiture au détriment du train, cela se voit à plein de niveaux: défaut d’entretien des lignes secondaires, horaires inadaptés, correspondances mal gérées… Sans parler des voies abandonnées et transformées en chemin de randonnée touristique bétonnée, ce qui les condamne définitivement.
Le résultat, c’est un abandon progressif des zones rurales. Ce sont des politiques de long terme qui nécessitent des investissements lourds, et les élus qui prennent ces décisions ne sont pas toujours récompensés dans les urnes puisque les résultats ne sont pas immédiats. Mais la désertification rurale vient pourtant aussi de ces choix.
TGV versus trains du quotidien
Autre choix délétère : la priorité donnée aux investissements pour la très grande vitesse. Vous savez qu’il faut 3 km à un TGV lancé à pleine vitesse pour s’arrêter en urgence et donc près de 20 km pour s’arrêter en gare sans secouer tout le monde dans la rame? Et lui en faut encore 15 autres pour retrouver sa vitesse de croisière. Dans ces conditions, un TGV pour être rentable ne doit pas s’arrêter! La construction de LGV partout a contribué, là aussi, à la concentration dans les métropoles et à la désertification rurale. Sans parler des tarifs prohibitifs. Le TGV est devenu inaccessible aux familles et aux petites bourses, sans vraiment d’espace pour des bagages ni pour des vélos. Son succès cache l’abandon des lignes secondaires.
Le train, transport écolo par excellence
Confort, sécurité, découverte du paysage, lien avec le territoire ... Le train, c’est le transport écolo par excellence, cela va bien plus loin que la seule question du climat. Je ne sais pas de quand date la fermeture de la ligne de nuit Paris-Albertville mais je vois avec plaisir les lignes de nuit ré-ouvrir. Les chemins de fer autrichiens notamment ouvrent des lignes à travers toute l’Europe avec un succès commercial énorme qui pourrait entraîner un mouvement de fond. L’occasion, pour la journée de l’Europe, le 9 mai, de saluer encore une fois l’importance de la construction européenne.
Jeunes de la "génération climat", Alexandre Poidatz et Stacy Algrain livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
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