Tout a commencé sur une route du Vercors. Au volant de sa voiture, l'artiste Adrianna Wallis aperçoit un bout de papier sur le bas-côté.
Qu'est-ce donc que ce document abandonné ? Elle s'arrête pour le ramasser : c'est une facture de boulangerie. Troublée, elle s'enquiert alors auprès de la Poste d'une destination pour le moins mystérieuse : où vont les colis et les lettres qui ne trouvent pas leur destinataire?
La réponse : à Libourne, près de Bordeaux, dans un centre de tri où des agents tentent de retrouver le destinataire inconnu. Adrianna Wallis s'y rend alors, et établit avec La Poste un contrat juridique qui lui permettra d'avoir accès aux courriers sans destinataire identifié. "Je pensais, dit-elle, y trouver des histoires de famille et d'amour". Pendant plusieurs mois, l'entreprise lui fait suivre des cartons remplis de lettres.
Adrianna Wallis se saisit souvent de la question de la mémoire, doublée de celle de l'intime. À Lyon, elle avait déjà permis de faire revivre l'histoire du Pont du Change, au travers de la prise de parole d'une vingtaine de personnes, autour d'anecdotes comme de faits historiques.
Ici, comme un prolongement du centre de tri, l'artiste donne à voir des cartons au ventre gonflé par les lettres, comme des corps explosés par le souffle d'un trop-plein d'émotions. Des enveloppes au destinataire imaginaire, comme des actes thérapeutiques, des exutoires pour l'expéditeur qui a posé l'acte de l'envoi, sont exposées.
Adrianna Wallis a également tricoté une liseuse en grosse laine, comme une armure de douceur contre la violence des propos qui s'échappent des lettres. En effet, plus de 70 personnes se sont relayées pour murmurer les courriers, remplissant l'espace et le silence de ces mots abandonnés. Cette liseuse, symboliquement, vient les protéger.
Ecoutez les lectures de deux lettres d'Angéline :
Adrianna Wallis a également tourné une vidéo avec les employés du centre de tri. Elle leur a demandé de répondre à deux lettres. "C'est dur de jeter toutes ces lettres. De ne pas pouvoir affronter cette masse d'intimité. Le geste que je leur propose est une façon d'apaiser cette blessure".
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