Les 9 et 10 mars derniers, la France organisait les Assises nationales de lutte contre les dérives sectaires. L’occasion d’ériger une feuille de route décennale alors que les dérives sectaires explosent au sein des religions et dans le domaine de la santé. L’objectif : mieux sensibiliser et mieux contrôler les phénomènes sectaires sur notre territoire.
Un plan d’action interministériel présenté “avant l’été prochain”. C’est la promesse de Sonia Backès, secrétaire d’Etat à la citoyenneté, en conclusion des premières assises nationales de lutte contre les dérives sectaires. Professionnels, plateformes numériques, acteurs associatifs et institutionnels étaient réunis Place Beauvau, au ministère de l’Intérieur pour réfléchir et tenter de comprendre ces dérives de plus en plus présentes dans notre société.
La Miviludes (mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) a reçu plus de 4 000 saisines en 2020, soit 85 % de plus qu'en 2015. Si la crise sanitaire, conjuguée à l’essor des plateformes numériques, a donné lieu à un accroissement de l’offre sectaire, notamment lié au complotisme, les thèmes religieux et spiritualité ne sont pas épargnés. "Il n’y a pas une seule religion qui soit à l’abri de dérives sectaires”, observe Georges Fenech, avant d’assurer qu’il “ne s’agit pas de porter atteinte à la liberté de religion”. Celui qui est ancien président de la Miviludes pointe ici toute la différence entre religion et secte. “Ce qui caractérise la dérive sectaire, c’est la rupture. La rupture familiale, professionnelle, avec le soin, avec tout son environnement”, détaille-t-il.
Une rupture présente dans toutes les spiritualités, et qui n’est pas le propre d’une seule religion. En 2015, après les attentats de Paris, c’est l’islamisme radical qui était pointé du doigt pour dérives sectaires. Chez les groupes sectaires qui se disent chrétiens, les Témoins de Jéhovah semblent être le mouvement avec l’influence la plus importante. En France, on en compterait plus de 120 000 répartis dans 1 300 congrégations.
La Miviludes dresse une liste précise de critères pour déceler l’influence sectaire dans le comportement d’un proche. Rupture, adoption d’un langage propre, déstabilisation mentale, déséquilibre financier. Des éléments que l’adepte acquiert au fur et à mesure pour atteindre ce que certains appellent “le viol psychologique”.
Jeanne [pseudonyme] a intégré l’organisation FIMB [Femmes Internationales Murs Brisés] pendant quatre ans. Le mouvement, bien connu des associations anti-sectes et de la Miviludes, tente d'infiltrer l'Église depuis des années. Fondé et dirigé par Evelyne Mesquida, FIMB se présente comme un réseau mondial d’entraides “qui repose sur la juste et place des femmes et de l’éducation des enfants”, peut-on lire sur son site internet.
“J’ai été approché par une personne qui m’a tenu un discours sur l’inter-religieux et la foi”, explique Jeanne, membre de la communauté FIMB pendant 4 ans. Le processus d’adhésion est encore long. “La grenouille, elle n’est pas dans l’eau bouillante tout de suite. On l’a met dans l’eau, puis tout doucement on fait monter la température”, métaphorise Jeanne. “S’en suit dans un discours qui progressivement va dévier avec quelque chose qui n’a rien à voir avec ce que l’on vous a présenté au départ”, raconte l’ancienne adepte.
Dans la même mesure que le long processus d’adhésion, la sortie d’emprise sectaire se traduit également par un cheminement vers la déconstruction de sa bulle d’idées. Le plus dur ? “Ce sont des années de perdues”, déplore Jeanne. Pour prendre conscience d’une emprise sectaire, la victime exploite les failles dans le mur des croyances érigées entre elle et le monde extérieur.
Des mini prises de conscience qui permettent à une victime de sortir peu à peu d’un phénomène sectaire, jusqu’au déclic. Pour Jeanne, ex-membre de FIMB, c’était il y a une dizaine d’années, un dimanche matin comme les autres. “J’étais assise au bord de mon lit, seule. Je me suis dit ‘mais enfin c’est incroyable, on est dimanche, tu as grandi dans la foi, tu as toujours été fidèle’, mais je n’avais plus envie d’aller à la messe”, raconte Jeanne. “Il y a des choses que tu penses mais que tu ne dis pas et des choses que tu dis, mais que tu ne penses pas. Il y avait des zones d’ombre”, témoigne-t-elle. Autant de zones d’ombre que Jeanne a désormais pu éclaircir grâce à la foi et à Dieu.
L’ancienne adepte ne cesse de le répéter. “Oui, c’est ma foi qui m’a sauvée. Un chrétien, qui rentre dans un mouvement à dérives sectaires de type FIMB, est en contact avec le démon”, explique Jeanne avant de conclure “Dieu m’a sauvé. Ma foi m’a sauvée”.
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