Oui, Antoine. Je comprends votre surprise : c’est une photo d’apparence assez banale. Trois amies sont installées dans de gros fauteuils moelleux noirs et rouges, elles ont un immense sourire aux lèvres. Elles ont sur le nez des lunettes polarisées, ces lunettes dont les verres sont traités et noircis pour faire apparaître le film en 3 dimensions devant elles. Elles ont un même haut noir, mais leur foulard sur les cheveux est rouge pour l’une, violet assorti à son pantalon pour l’autre, plus sombre pour la dernière. C’est joyeux, c’est coloré.
En Afghanistan. Et c’est ce qui rend cette image si particulière. De ce pays, on ne perçoit, on ne reçoit que des scènes de violence, du sang et des kalachnikovs. Mais l’Agence France Presse a décidé de nous montrer une autre facette de ce pays. En l’honneur de Shah Marai, le chef de la photo de son bureau de Kaboul, tué dans un attentat suicide le 30 avril 2018, elle a invité les photographes afghans à montrer la réalité de leur peuple loin des images tragiques de violence. Et parmi les 56 candidats, c’est ce photographe qui a remporté le prix
Il est médecin de formation, Farshad Usyan. Il a 26 ans. Il a repris le métier de photographe de son frère décédé. Il a envoyé pour le concours une quinzaine de photos : ces femmes joyeuses au cinéma, mais aussi un garçon qui offre une rose à une femme, dans un resto chic pour la Saint Valentin, un groupe de rock, des garçons d’une vingtaine d’années dans une cave avec une guitare électrique, une batterie et des gros amplis, des écolières qui vont à l’école dans la lumière du petit matin.
Oui, ce sont les petits bonheurs du quotidien que Farshad Usyan documente. Des fois, ça ressemble à chez nous : une scène au bowling ou chez le barbier. Parfois, c’est très différent : comme cette photo où un homme pousse son âne sur un sol aride. Sur son dos, une caisse bleue remplie de bulletins de vote. On n’imagine pas que les bulletins pour les élections européennes viennent jusqu’à nous ainsi.
Vous avez raison Antoine. Mais Farshad se bat pour la paix et pour lui, "La paix ne veut pas seulement dire absence de guerre mais elle peut être aussi un environnement sûr", la dignité humaine, le droit à l’éducation, la liberté d’expression, de choix, de sexualité. Je pense que les médias, et en particulier la photographie, sont un moyen très puissant de déclencher des mouvements positifs au sein d’une société », dit-il. On est bien d’accord avec lui. Son prix lui sera remis très bientôt à Paris. On sera heureux d’aller le saluer.
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