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L'homme total

RCF,  - Modifié le 13 février 2018
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Ce 11 février, l’Église célébrait la journée mondiale des personnes malades. Dans une société aseptisée qui fait de la santé une obsession et qui a tendance aÌ€ évacuer les effets dévastateurs d’une maladie grave ou chronique, car elle les vit comme un échec de sa puissance de réparation, mettre sur le devant de la scène les personnes malades, c’est avant tout se souvenir que l’expérience de la maladie bouleverse tous les aspects d’une l’existence dans son identité intime et sociale. La maladie, c’est la perte de l’insouciance, de l’évidence, dans lesquelles nous rêvons de pouvoir vivre. « La maladie de compagnie », comme l’écrivait Claire Marin dans un petit livre saisissant Hors de moi (Allia, 2008). Une maladie qui tient compagnie, à son corps défendant, contre sa volonté et son désir, même après la guérison, car elle nous a changés.
 
Dans L’ombilic des Limbes, Antonin Artaud s’interrogeait ainsi : « Comment empeÌ‚cher la vie de tomber hors de moi ? » interrogation qui traduit bien la violence d’une vie arrachée aÌ€ soi, avec son sentiment d’impuissance, la peur de ne plus jamais eÌ‚tre soi-meÌ‚me, l’impossibilité de se reconnaiÌ‚tre dans sa propre vie. Dépossession, car la maladie suspend les projets et modifie les relations ; elle met à mal de tout ce qui nous tient aÌ€ cœur.

Alors de quoi s’agit-il ? Sinon restaurer l’autre en son unité, le soutenir afin qu’il puisse reprendre, autrement, la main sur sa vie, se la réapproprier par d’autres biais. Refuser d’être en morceaux, y compris parfois à l’encontre d’une médecine qui vous demande des nouvelles de votre cœur ou de votre foie, et non de vous-mêmes. Notre obligation morale, c’est ce rappel impérieux de « l’homme total », selon le mot du poète Henri Michaux, contre la logique du « morceau d’homme ».
 
Pour notre époque qui aime tant séquencer, qui se croit rassurer quand la science et la technique mettent à distance, isole ce qui va mal, ce qui fait mal, il est ainsi une obligation éthique, vitale, pour chacun : Envers et contre la maladie qui s’obstine à tout vouloir défaire, à nos représentations aussi qui voudraient nous couper en tranches, reconstruire une histoire et avec constance, rassembler, unifier, soutenir, chérir, vivre. Malades peut-être, mais vivants.
 

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