Le 24 janvier on fêtait Saint François de Sales, le saint patron des journalistes. Tous les ans à cette date, les journalistes chrétiens se retrouvent pour des journées de réflexions sur les enjeux qui traversent leur métier et l'Eglise. Cette année l’intelligence artificielle s’est invitée dans les débats avec une question « l’IA va-t-elle nous remplacer ? » Décryptage avec Mathieu Guillermin, docteur en physique et philosophie, spécialiste des enjeux éthiques des technologies numériques.
L’Intelligence Artificielle pose de nombreuses questions aux journalistes : « peut-elle nous remplacer ? faut-il l’utiliser dans les rédactions ? quelles réflexions déontologiques s’imposent ? » A l’occasion de la journée mondiale des communications sociales le 24 janvier, le pape François a publié une grande réflexion sur le sujet adressé aux journalistes. Il met en garde contre « le spectre d’un nouvel esclavage » et contre la « possibilité que quelques-uns conditionnent la pensée de tous. »
Dans son message, le pape insiste sur le fait que l’information ne doit pas être coupée de sa dimension « relationnelle » qui « implique le corps, l’être dans la réalité » et doit permettre de relayer non seulement des données, mais aussi « des expériences ».
Il y a quelque chose que l’IA ne fait pas c’est vivre. Vivre des expériences humaine, l’IA ne peut pas le faire ni le reproduire.
Pour Mathieu Guillermin, spécialiste des enjeux éthiques des technologies numériques, l’IA ne pourra jamais être à la hauteur de la subtilité humaine : « Il y a quelque chose que l’IA ne fait pas c’est vivre. L’IA c’est une machine qui fait de la transformation de données complétement mécanique qui a du sens pour les humains, pour ceux qui peuvent vivre quelque chose intérieurement. Mais vivre des expériences humaine, l’IA ne peut pas le faire ni le reproduire. »
L’IA donne l’illusion de tout savoir-faire. Elle pourrait même nous faire croire qu’elle est un reporter de guerre capable de réaliser des sujets plus vrais que nature au bout du monde sans voyager, sans rencontrer de véritables personnes avec de vraies histoires à raconter. Cela pose de lourdes questions déontologiques et éthiques. Pour Mathieu Guillermin c’est « un grand danger, une grande malhonnêteté, presque un crime d’empêcher les gens de voir la différence entre un vrai reportage et un reportage généré par IA. » Le chercheur considère qu’il est vital de prévenir les lecteurs lorsque ce n’est pas un humain qui a rédigé un article.
C’est un grand danger, une grande malhonnêteté, presque un crime d’empêcher les gens de voir la différence entre un vrai reportage et un reportage généré par IA.
Mais il rappelle aussi combien l’expérience humaine est fondamentale dans la production des journalistes : « il y a tout ce que l’on vit, tout ce qui se passe intérieurement. Ce n’est pas rien cette expérience vécue d’être un journaliste d’avoir un réseau humain. C’est une dimension essentielle de la vie. Mais si on dit qu’on ne veut pas pourquoi ? Parce que ça coute moins cher ? Ca coute peut-être moins cher de ne plus avoir d’humain nulle part et que des machines et nous on disparait. L’attention à la vie humaine, à la richesse du vécu elle est essentielle. »
Dans son message aux journalistes cette semaine, le pape François regrette que notre société soit « riche en technique et pauvre en humanité ». Pour lui, la réflexion sur l’intelligence artificielle doit partir « du cœur de l’homme ». Mathieu Guillermin complète en disant que c’est justement la chance du christianisme d’être une religion du réel : « Avec le christianisme on a une opportunité de penser ça à travers le mystère de l’incarnation. Ce qui compte, c'est ce qui est vécu. C’est une grande force pour réfléchir aux questions que pose l’Intelligence Artificielle. La vie c’est aussi ce qui se passe en nous quand on réussit ou quand on se trompe et c’est important qu’on ressente tout cela dans la globalité de ce qu’on est. »
Avec le christianisme on a une opportunité de penser l'IA à travers le mystère de l’incarnation.
C'est ce que le pape François résume en mettant l’humanité face à son avenir : « C’est à l’homme de décider s’il veut devenir la nourriture des algorithmes ou nourrir son cœur de liberté, sans laquelle on ne grandit pas en sagesse. »
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