Cela fait quatre mois que deux explosions ont ravagé le port et une partie de la ville de Beyrouth au Liban. Et il y a six jours, le premier ministre Hassan Diab et trois ex-ministres ont été inculpés, accusés de négligence dans le stockage du nitrate d’ammonium dans le port de la ville. Pour l’heure, le chantier est au point mort.
Depuis plusieurs mois, des bénévoles, des humanitaires et même l’armée se mobilisent pour nettoyer les dégâts. Plus récemment, un plan dit "de réforme, de relèvement et de reconstruction" a été conçu par l'Union européenne, les Nations unies et la Banque mondiale. Il chiffre à 2 milliards 500 millions de dollars la somme nécessaire pour tout reconstruire. Mais le déblocage de ces fonds se fera à une condition : que le gouvernement engage de réelles réformes pour en finir avec la corruption, en créant notamment un nouveau gouvernement.
Rien n’avance pour l’heure et la reconstruction de Beyrouth est au point mort. Sans l’implication de l’État, il n’y a pas de direction fixée. "Il est très clair que le gouvernement libanais ne fait rien car il n’a pas d’argent et attend de l’argent de la communauté internationale", explique Éric Verdeil, professeur de géographie à Sciences Po et spécialiste du Liban.
Les explosions dans le port ont fait près de 200 morts et blessé environ 6500 personnes. Le souffle de ces explosions de nitrate d’ammonium ont bien sûr dévasté les habitations jusqu’à dix kilomètres à la ronde. Il faudra sûrement réfléchir à un plan d’urbanisme global. Sans action du gouvernement, les Beyrouthins risquent d’attendre longtemps avant que le quartier renaisse. "On peut craindre qu’en l’absence de décision que des appartements restent vides, que les immeubles soient abandonnés et deviennent des ruines", s’inquiète Éric Verdeil.
La colère contre une classe politique corrompue, au pouvoir depuis les années 1990 est toujours très forte. Il y a six jours, la justice a inculpé des membres du gouvernement dans cette affaire des explosions. Parmi eux, Hassan Diab, le Premier ministre qui a présenté sa démission mais qui continue de gérer les affaires courantes. Lundi 14 décembre, il a d'ailleurs refusé d'être interrogé par le juge en charge de l'affaire. Trois autres ministres doivent eux aussi être entendus.
C’est assez inédit mais pour certains cela ne suffit pas encore car les responsables présumés de cette négligence sont bien plus nombreux, estime Ziad Majed, politologue franco-libanais, qui dénonce aussi la non-indépendance du système judiciaire. "La justice n’est pas indépendante, il y a des considérations politiques et confessionnelles", explique-t-il.
Le système politique basé sur le confessionnalisme est une des causes du blocage politique dans le pays. Chaque communauté se partage proportionnellement le pouvoir et pour décider et même former un gouvernement, il faut qu’il y ait consensus entre les chefs de ces groupes. Mais ce consensus est introuvable, ce qui empêche le pays d’avancer. "Il y a toujours des représentants de communautés qui ne sont pas satisfaits, qui bloquent", regrette Ziad Majed.
Elle peut fixer des conditions, comme le fait de débloquer des fonds seulement si une réforme est engagée. Emmanuel Macron s'était rendu au Liban peu de temps après les explosions. Les autorités lui avaient assuré que des réformes seraient engagées et qu’un nouveau gouvernement verrait le jour. Il n’en est rien. "L’erreur de la démarche française c’est de penser que ce système peut se réformer. Il a conduit à la faillite dans le pays. Quand la France propose une solution qui vise à garder ce même personnel politique, c’est une impasse totale", affirme Agnès Levallois, vice-présidente de l'Institut de Recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO). Emmanuel Macron doit retourner à Beyrouth avant Noël, sa troisième visite après l’explosion.
Dans cette crise il y a donc relativement peu d’issue de secours. Une des pistes envisagées par l'opposition qui se forme au Liban est la création d’un État laïc, pour changer de système et ne plus avoir besoin d'un total consensus pour agir.
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