Ils ont passé des années à réunir les preuves. Maintenant place au pénal. Le 30 mai 2022, les syndicats CFE-CGC et Sud Industrie de l’entité turbines à gaz de General Electric à Belfort ont saisi le parquet national financier pour blanchiment de fraude fiscale, abus de confiance, faux et usage de faux et recel.
555 000 000€ de minoration artificielle. Le chiffre semble presque irréel et pourtant, il l'est bien. Et il ne représente que 3 contrats épluchés par l'intersyndicale, soit à peine moins de 10% des contrats du groupe en France.
Ce 30 mai 2022, la plainte déposée auprès du Parquet National Financier marque un tournant dans la lutte des salariés Belfortains pour le maintien de l'industrie dans le département et même en France. Ils dénoncent, preuves à l'appui, les techniques employées par le groupe pour détourner artificiellement des fonds en direction de la Suisse afin de faire paraître le site de Belfort comme déficitaire. Schématiquement les pièces sont conçues outre-atlantique, fabriquées à Belfort puis vendues via la Suisse dans le monde entier. Seulement, bien que légales, ces pratiques doivent répondre aux principes dictés par l’OCDE (l'organisation de coopération et de développement économiques ): le base erosion and profit shifting (BEPS). Ces principes expliquent que les bénéfices doivent être distribués là où la valeur est créée, en l'occurrence, à Belfort. Les syndicats s'interrogent sur la prise de risques et les capacités de création de leurs collègues basés de l'autre côté de la frontière. Aujourd'hui ces questions restent sans réponse.
Autre point marquant, la mise en évidence des montages financiers internes aux entités du groupe pour rendre déficitaire artificiellement le site Belfortain. Un site déjà malmené depuis le rachat en 2014 par les Américains.
La création du déficit intervient après un accord fiscal entre GE et le canton d'Argovie en suisse, qui permet au groupe d'économiser 3 milliards de dollars en charge fiscale sur 5 ans. En jouant sur les lignes de compte, entre "déficit" Belfortain et bon résultats de l'entité Healthcare à Buc en région parisienne, General Electric ne paye plus d'impôts dans l'hexagone depuis 10 ans et a accumulé près de 2 milliards d'euros de déficit fiscal reportable.
A présent, le dossier est entre les mains de la justice. Si le délai moyen de traitement de ce type d'action pénale tourne autour de 5 ans de procédure, pour l'intersyndicale et Maître Eva Joly qui les représentent, le plus tôt sera le mieux pour enrayer au plus vite l'évasion fiscale.
Dernier vœu pieu des syndicalistes, “faire des petits” - comme ils disent - dans d’autres entreprises pour que les CSE soient moteur dans la remontée d'information auxquelles les contrôleurs fiscaux n’ont pas accès, pour monter des dossiers et endiguer un maximum l’évasion fiscale. Et ainsi récupérer en impôts, pourquoi pas, jusqu’à 80 milliards d’euros chaque année. De quoi voir revenir des “services publics de qualité”*.
* éléments du dossier de presse
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