Nous sommes, tous, femmes et hommes de bonne volonté, désirant vivre dans un monde commun, nous sommes tous dans l’effroi, dans le chagrin profond. Pour M. Samuel Paty, sa famille, ses proches, ses amis, ses collègues, ses élèves. Pour tous les enseignants à la mission indépassable, à travers la culture et les savoirs, d’éduquer au respect et à l’esprit critique. Grandir ainsi en responsabilité autant qu’en liberté.
Nous sommes perdus. En pareille sidération, au-delà de toutes les mesures policières indispensables, compte de tenter de comprendre ce qui peut l’être.
Alors, vous me permettez de m’abriter derrière la réflexion féconde, tout en étant si douloureusement tragique devant cet attentat monstrueux, d’Adrien Candiard, dans son dernier opuscule, Le Fanatisme, quand la religion est malade.
Nous pensons en effet souvent que le fanatisme vient d’un excès de religion. Qu’il faut alors pousser plus encore la religion dans l’espace privée, sans s’en mêler, du moment que celle-ci ne se mêle pas des affaires de la cité. Mais alors on ne se donne plus les moyens de comprendre les phénomènes religieux et de pouvoir les soumettre au débat public.
La thèse d’Adrien Candiard, islamologue de haut vol, est de montrer que ce n’est pas d’un excès dont il s’agit, mais d’un défaut, d’un manque, d’une mise à l’écart. Le fanatisme ne cesse de parler de dieu mais sait fort bien s’en passer. Le vide créé est compensé par un objet de Dieu absolutisé : Le livre saint, la loi, le culte, peuvent devenir ce monde clos, sans jeu d’interprétation, sans marge, sans recul historique.
L’idolâtrie est au cœur du fanatisme : obéir à un ordre signifié comme venant de Dieu, à une autorité qui prétend parler pour Dieu. Là, tout est possible, le pire surtout. L’idole de la religion crée un monde clos, fou, mais où tout paraît cohérent. C’est bien ce à quoi ressemble la décision de cet homme de seulement 18 ans d’assassiner sauvagement M. Samuel Paty, juste professeur.
À nos modestes, mais bien réelles mesures, notre décision doit être l’intelligence et la conversation. L’intelligence de la culture, de la mise en discussion des disciplines car il n’y a rien d’absolu, sinon Dieu qui justement échappe à toute mainmise.
Le dialogue car la religion, Dieu plus encore, ne nous appartiennent pas. Critiquer les religions, à la condition de les connaître un tant soit peu, est bien une des garanties de leur existence légitime et pacifique.
Méditons tous la parole du pape François dans « Fratelli Tutti », reprenant sa déclaration conjointe avec le grand imam Al-Tayeb du 4 février 2019, Dieu n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens ». (285)
Et puis dire tout notre attachement aux enseignants, aux professeurs et instituteurs, qui nous ont élevés dans la connaissance et dans la vie.
Véronique Margron op.
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