Dans la nuit du dimanche au lundi dernier, une centaine de villageois dogons ont été massacrés. Une attaque qui répondait au massacre en mars dernier, de 160 peuls, dans cette région proche de la frontière avec le Burkina Faso.
'Quand on parle de djihadistes et qu’on les oppose aux groupes locaux, il y a un amalgame total. Les djihadistes, avant la crise de 2012, ont fructifié en se rapprochant des trafiquants, et ensuite ont révélé les questions ethniques. On a bien vu comment les touaregs avaient profité de la déstabilisation causée par les djihadistes à partir des années 2010 pour eux-mêmes développer une rébellion. Ensuite la question touareg et la question des djihadistes en partie réglée en 2013 avec l’opération Serval a déclenché un mouvement des peuls. Et puis aujourd’hui, l’incapacité de l’Etat de restaurer l’ordre dans le pays a permis à des ethnies peuls et dogons de développer des milices alors que dans un premier temps elles étaient censées contrer les djihadistes' explique Martine Cuttier, historienne, spécialiste du Mali.
'Elles n’ont pas les mêmes objectifs que les groupes djihadistes. On retrouve par exemple entre les ethnies les vieux conflits, les vieilles fractures post-coloniales entre les transhumants, les nomades, les éleveurs et les agriculteurs. Cette crise religieuse a fait resurgir de vieux conflits éliminés à l’époque coloniale. Et donc depuis les années 2010, la déstabilisation de l’Algérie et toute la descente de ces groupes djihadistes et leur expansion au Sahel a fait resurgir les conflits ethniques. Ces milices ethniques deviennent encombrantes, elles prennent une autonomie défavorable à l’Etat' ajoute l'historienne.
'Théoriquement, l’Etat malien cherche à réinvestir le Nord, à y installer l’Etat, mais en réalité, toute la société est gangrénée par toute cette situation déstabilisante. Il n’y parvient pas. Au sein des élites règne la corruption. Il y a une incapacité des forces de l’ordre avec une armée qui ne se comporte pas comme une force protectrice. Et il y a une totale méfiance entre les populations et les forces de l’ordre. Le pouvoir est très fragilisé. La géographie du Mali que le pouvoir contrôle se réduit de plus en plus' conclut Martine Cuttier.
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