"En immersion : enquête sur une société confinée" : c’est le titre de l’étude menée pendant plusieurs semaines par l’institut de sondage IFOP auprès d’une communauté en ligne de 33 Françaises et Français de toutes conditions, de tous âges et régions qui ont été suivis par une équipe d'enquêteurs. Ces enquêtes quantitatives visaient à donner la mesure du niveau d'inquiétude de la population, du jugement porté par elle sur l'action des pouvoirs publics et de la façon dont ont été appliquées les consignes sanitaires. Directrice adjointe de l’IFOP, Marie Gariazzo qui a cosigné l’ouvrage revient sur cette expérience collective, "une forme de parenthèse" et sur ses conséquences.
C’est d’abord la peur qui a dominé. "Une peur brutale, massive, très tangible, qui a envahi les foyers. Il y a eu la sidération de découvrir qu’on était dans un Etat qui était faillible, qui a eu des faiblesses importantes et puis il y a eu aussi une volonté de donner sens à cette crise et que cette crise avait un peu des racines écologiques. Elle amenait en tout cas à repenser nos modes de consommation, de transaction et nos comportements. Il y avait une relecture écologique de cette crise".
Comment la société française ressort-elle de cette épreuve du confinement ? Assiste-t-on à des clivages ou au contraire à une unité plus forte ? "Un peu des deux, observe Marie Gariazzo. Il y a eu des signes très tangibles de solidarité ( applaudissements pour les soignants, jeunes qui ont rejoint les agriculteurs, entreprises qui ont fabriqué des blouses, des masques…etc) mais en même temps, une méfiance s’est installée et cette crise a révélé et accentué un certain nombre de fractures. Entre méfiance et inégalités, on ne peut donc pas dire que la cohésion soit totale".
Le localisme est aussi apparu comme une valeur importante et peut être aussi un facteur explicatif de la victoire des écologistes hier. "Par le localisme, on a l’impression qu’on peut agir sur l’environnement et la santé, et qu’on peut se réapproprier les choses, avoir une forme d’indépendance alors que cette crise a permis de se rendre compte des effets de la mondialisation. Cette crise a fonctionné par replis successifs sur la France, sur la région où l’on habitait et sur la sphère intime".
Le confinement a en quelque-sorte "accentué et accéléré" l’émergence de ces valeurs. "Rien n’émerge complètement de cette période. On sent depuis longtemps dans nos études une montée de la conscience écologique", précise la directrice adjointe de l’IFOP, qui souligne également la très forte abstention au second tour des élections municipales. "La peur vis-à-vis du virus n’a pas totalement disparu, mais elle a pu aussi servir d’alibi à des personnes qui étaient peu motivées pour se déplacer dans les bureaux de vote. Mais ce n’est pas que conjoncturel, on sent un décrochage de la société vis-à-vis de tout ce qui est politique". La perte de confiance envers les hommes politiques, beaucoup plus forte en France que dans d’autres pays européens, a-t-elle été renforcée par cette crise sanitaire ? "Autant il y a une adhésion aux mesures économiques, qui ont été prises très rapidement, autant les critiques sont fortes sur l’absence de masques, de tests… L’échelon local est devenu très important et c’est un peu le seul aujourd’hui qui trouve grâce aux yeux des citoyens. C’est pour cela que le taux d’abstention d’hier est particulièrement important parce que cela touchait des élections qui concernent vraiment la vie quotidienne des Français".
Cette crise aura aussi permis de réactiver certaines questions très politiques, comme la place de l’Etat dans notre société, et de renforcer la prise de conscience écologique. "Il va falloir voir comment les écologistes s’emparent de cela. S’ils ne sont que dans une logique punitive, cela risque d’être un peu compliqué mais s’ils amorcent une vision beaucoup plus globale et inclusive de l’écologie politique, cela peut recueillir une plus large adhésion", estime Marie Gariazzo, qui rappelle " le lien entre écologie et santé apparu de manière évidente pendant cette crise", mais aussi la tension très forte entre les espoirs écologistes et la contrainte économique qui pèse sur un certain nombre de Français.
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