Alors que la cathédrale Notre-Dame de Paris rouvrira ses portes au public dimanche, Martin Claudel, forgeron taillandier installé à Langon en Ille-et-Vilaine, revient sur sa participation, dans l'ombre, à ce chantier titanesque. Il a participé à la fabrication de soixante haches qui ont permis de donner vie à la charpente de la nef et du choeur de l'édifice.
C'est une aventure avant tout collective que nous raconte Martin Claudel. Celle partagée avec quatre autres taillandiers qui a démarré le jour de l'incendie. "Je rentrai d'un premier symposium de taillanderie internationale. C'était la première fois qu'on cherchait à réunir des représentants de ce métier qui est très rare aujourd'hui. Et c'est en rentrant chez moi que j'ai appris que la cathédrale était en train de brûler... et c'est d'ailleurs avec une partie des personnes présentes qu'on a travaillé pour Notre-Dame".
La mission qui a été confié à Martin Claudel et à d'autres taillandiers du Gers, de Bourgogne, d'Isère ou encore d'Alsace : concevoir des haches qui allaient servir à réaliser l'équarrissage des bois de charpente de la cathédrale. "On va partir d'une grume de chêne qui est fraichement abattu, et on va tailler du carré dans cette grume. Et ce sera la base pour tailler à la hache pour faire la charpente".
Pour cela, les taillandiers ont conçu les prototypes de deux types de hache : des haches de dégrossi pour enlever le maximum de bois, et des haches de finissions qui servent à donner l'aspect de surface final aux poutres avant qu'elles passent chez les charpentiers. "Les charpentiers se sont tournés vers nous parce qu'il fallait une grande quantité de haches similaires. Ils cherchaient à avoir sur les bois de la charpente de Notre-Dame, c'était d'avoir le même aspect de surface que la charpente médiévale. Ces coups de haches devaient être rigoureusement identiques à ceux qu'on pouvait trouver sur la charpente originelle".
L'équipe de taillandiers retenus n'en était pas à une première dans ce type d'approche. Les cinq ateliers qui ont formé un groupement pour répondre à la demande de haches, travaillaient déjà sur ces sujets là. "On avait déjà recentré notre activité pour des outils pour des charpentiers traditionnels. On avait déjà une petite expertise sur le sujet. Moi j'équarris un peu, je pratique un peu cette petite branche du métier de charpentier qui me permet de comprendre des choses sur les outils que je fabrique", précise Martin Claudel.
S'est ajoutée à cela, une collaboration avec les charpentiers qui ont apporté leur expertise sur la technique d'équarrissage.
La phase de fabrication des outils s'est déroulé entre septembre et décembre 2022, en plusieurs sessions. "On a choisi de se regrouper dans un seul atelier. Nous aurions pu faire nos haches chacun de notre côté mais ce n'était pas l'esprit. On a choisi de travailler au même endroit, dans l'atelier le mieux équipé".
Une émulation qui a porté ses fruits pour "un chantier exceptionnel". C'est la force de cette aventure selon Martin Claudel :"réunir une quantité de métiers, très différents, qui sont méconnus d'un métier à l'autre, c'est ça qui me fascine dans ce chantier".
Pour autant, la mise en avant du savoir-faire des taillandiers mobilisés pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris va-t-elle permettre de créer un nouvel intérêt pour le métier? Pour Martin Claudel, c'est trop tôt pour le dire. Mais il le souhaite. "Peut-être que dans les années à venir, on va constater un engouement pour la taillanderie. Quand j'ai commencé à mon compte vers 2014, on était très peu à être visible sur ce marché. Je suis très heureux qu'on parle de mon métier que j'aime énormément, et qu'il renaisse aussi de ses cendres, comme le phénix".
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