En soutien aux librairies, le Goncourt du premier roman, habituellement décerné en juin, a été attribué ce lundi 11 mai à Maylis Besserie pour son livre "Le tiers temps". Un livre où elle revient sur les derniers mois de l'écrivain Samuel Beckett. Au début du confinement, le vendredi 27 mars, elle était l'invitée de Stéphanie Gallet dans La Matinale RCF. RCF vous propose de réentendre son interview.
Maylis Besserie est productrice et journaliste à France Culture. Elle vient de publier "Le Tiers temps" (éd. Gallimard), un livre qui retrace les cinq derniers mois de l'écrivain Samuel Beckett. La fin de sa vie, il la passera dans une maison de retraite parisienne, dont le livre porte le nom. Pour écrire ce livre, la journaliste a beaucoup fréquenté les Ehpad.
"C'est un lieu à part. Un lieu de sociabilité et à la fois de solitude. Un lieu dans lequel on propose un certain nombre d'animations, d'activités, et en même temps où chacun ne peut plus être chez soi. C'est à la fois ce monde intérieur et ce monde extérieur qui se confrontent sans cesse" explique-t-elle au micro de Stéphanie Gallet, sur RCF.
À la fin de sa vie, Samuel Beckett, le prix Nobel, se retrouve dans la situation de tout le monde. "Le grand homme vit une situation commune. Son cerveau puissant arrive à s'évader grâce à la littérature, lorsqu'il regarde les gens, il s'invente des histoires. Et en même temps il va connaître les problèmes de la fin de vie. La mémoire va commencer à se déliter peu à peu, et il va avoir ce combat intérieur entre ce qu'il veut garder de lui-même, et ce qui va partir. À travers la vieillesse, il reste toujours quelque chose de la personne même si les facultés cognitives s'en vont" ajoute Maylis Besserie.
"J'ai décidé de le faire parler. C'est lui qui raconte. On est dans sa tête. Et la maison de retraite n'existe que dans son regard cynique, son rôle d'écrivain, d'observateur, son goût pour l'institution. Tout cela passe à travers son esprit d'écrivain. Je voulais qu'on se retrouve dans son imagination, à travers ses yeux à lui" lance la journaliste.
Lui qui a beaucoup voyagé, il se retrouve petit à petit cloîtré dans sa chambre. Car le physique ne suit plus. Et c'est à ce moment-là que les souvenirs affluent. L'Irlande, sa mère, les grands écrivains, la peinture, la musique. "Tout cela remonte. Moins le corps est actif, plus l'esprit va le porter" analyse encore Maylis Besserie.
Cette dernière voit le confinement actuel comme une situation "totalement beckettienne en elle-même". "On sort pour ne pas sortir. En même temps on sort un peu, pour faire quelques pas. En même temps certains vont encore travailler. On est dans une absurdité qui fait penser aux situations, aux personnages de Beckett. Et on espère que la situation sera moins tragique que la fin du livre" conclut la journaliste.
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