Il y 8 siècles, François d’Assise inventait la crèche en plaçant un âne et un boeuf vivant autour d’un autel eucharistique. La crèche de Marie, Joseph et l’enfant Jésus est devenue un art à part entière grâce aux santons, en particulier en Provence, mais aussi grâce à des santeniers passionnés comme Michel Vincent. Sacristain à l’église saint Remacle de Liège, il vient de décrocher la médaille d’or de la Fédération Mondiale des amis de la crèche lors du congrès international de Séville en Espagne. Pourquoi saint François a-t’il inventé la crèche ? Quel est le sens des santons de Provences ? Pourquoi y-a-il trois types de crèches ? Il répond au micro de Jacques Galloy.
Michel Vincent est un des plus grands collectionneurs de crèches en Belgique et même dans le monde. Cette passion remonte à sa petite enfance, à l’âge de 9 mois, où il escaladait déjà les fauteuils pour voir les crèches de plus près. Tout a véritablement démarré lorsqu’il avait seize ans : “j'étais dirigeant de patro et la première crèche était faite pour amuser les enfants. Le curé a vu ma crèche et m'a dit “ça change un peu” et cette crèche a pris de de l'extension au fil du temps.” La passion de Michel pour les crèches est vaste, possédant environ 25.000 personnages produits sur quatre siècles.
En plus d’être collectionner, il restaure, donne des cours et anime des expositions en Belgique et en Allemagne. Sa médaille d'or de la Fédération mondiale des amis de la crèche en 2023 récompense ses efforts pour protéger ce patrimoine. Il vise à présenter les crèches de manière réaliste pour immerger les spectateurs dans la scène, offrant une expérience visuelle captivante. Lors de l’interview, il montait une crèche impressionnante de 23 mètres carrés dans l’église saint Remacle de Liège où il est sacristain. Il y présente une remarquable exposition de 80 crèches.
En 2023, on célèbre le 800ème anniversaire de la création des crèches par Saint François d'Assise. L'exactitude de cette date reste sujette à débat, car les sources historiques varient. Selon les écrits, l'épisode de Greccio, souvent cité comme le début des crèches, est relaté différemment par divers auteurs. Le texte de Thomas de Slano rapporte que François d'Assise a obtenu l'autorisation papale de célébrer une crèche entre un âne et un bœuf vivants, sans mentionner la Vierge, Joseph ou l'Enfant. Les animaux étaient placés autour d’un autel où l’eucharistie était célébrée. Michel explique : “Saint François célèbre la crèche sur une mangeoire. Il fallait cet hôtel portatif entre un âne et un boeuf vivant. Il faut se dire aussi que les gens du Moyen ge sont incapables de concevoir l'abstraction. Ils ont besoin de symboles concrets. François veut voir avec les yeux les tourments que l'enfant endura dès son enfance. C'est une expérience mystique, c'est une expérience spirituelle. La première crèche, c'était uniquement un âne et un boeuf.”
Cependant, des représentations de la Nativité existaient déjà dans les catacombes du IVe siècle, notamment de Priscille ou de Saint-Sébastien. C'est à Rome, dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, que se trouve un reliquaire contenant des pièces de bois que la tradition affirme appartenir à la Crèche sur laquelle fut déposé Jésus Enfant. Il reste une urne avec cinq planches minces et d’un bois noirci par le temps. La première crèche connue en pierre sculptée remonte à 1189 à Sainte Marie Majeure.
Le plus ancien document connu décrivant l'usage des crèches a été rédigé par un jésuite de Huy en 1618. Ce texte a été fondamental pour Berliner, considéré comme le plus éminent historien allemand des crèches, car il a défini la crèche moderne. Il s'agit d'une mise en scène d'éléments représentatifs visant à immerger le spectateur dans la scène, lui donnant l'impression de participer activement. Cette approche souligne l'importance de la hauteur à laquelle les personnages de la crèche sont exposés. L'idée n'est pas de placer un personnage de dix centimètres sous le sapin au niveau du sol, car cela n'engage pas le spectateur avec la scène centrale : le petit Jésus, le cœur de la crèche. C'est l'ensemble des personnages, du décor et parfois d'un fond qui doit paraître aussi réaliste que possible, respectant diverses traditions, pour transporter le spectateur dans cette scène captivante. Michel Vincent poursuit : ”C'est une représentation instantanée, un moment gelé de l'épisode de la vie du Christ. La comparaison faite par Berliner entre cette scène et une illustration figée d'un événement de la vie du Christ est remarquable.”
On raconte que le santon était né parce que les crèches d'église étaient inaccessibles. Les santons ont été inventés en Provence. Le mot “santon” a la même racine que le mot “saint”. Ces petits personnages se regroupent autour de la crèche. Ils représentent tout le peuple et tous les métiers de Provence. Il existait vraisemblablement une foire de Noël à Marseille, mais le premier témoignage connu de la Foire aux santons date de 1804. Le professeur allemand Fischer mentionne des figures de crèche colorées vendues pour les enfants.
Autrefois, il y avait trois composantes qui caractérisaient la crèche provençale. C'était d’abord la propagation de la nouvelle, donc la pastorale, qui s'inspirait aussi du théâtre religieux. Ensuite, c’était la marche vers le lieu de la Nativité. Et enfin, il y avait l'adoration, donc par les santons, qu'ils soient provençaux ou que ce soient les Mages.
En cette période de l’Avent, les églises accueillent les traditionnelles crèches. Celle de Saint-Remacle à Amercoeur se démarque. Son sacristain et fabricien, Michel Vincent, collectionneur passionné, présente chaque année une crèche provençale monumentale. Possédant plus de 2.000 crèches dans sa collection personnelle, il en crée également de ses propres mains. L'installation actuelle est à la fois imposante et unique.
L’exposition “Crèches et santons de Provence. Deux siècles de tradition” présente 80 crèches sous vitrine illustrant de nombreuses crèches et des centaines de santons. C’est une activité à faire avec les enfants jusqu’au 4 février. On peut y voir le folklore liégeois autour de la Nativité. Des éléments comme le célèbre Perron de la place du Marché de Liège ou le moulin à eau de l’abbaye de Valdieu sont facilement reconnaissables. Les mises en scène sont d'un réalisme saisissant, incorporant même des décors de place orientale et l'arrivée des rois mages pour réchauffer l'atmosphère.
À Saint Remacle, trois types de crèches sont présentés au cours de l’année liturgique. La première est la crèche provençale de Noël. Ensuite, il y a la crèche blanche, représentant la présentation de Jésus au temple le 2 février. Enfin, la troisième crèche, appelée crèche de Pâques, combine les différents épisodes de la passion, du jeudi saint à la résurrection, avec plus de 80 personnages représentant les moments clés de cet événement. Cette dernière crèche est visible à Saint Remacle du jeudi saint jusqu'à la fin de la période pascale. Au fil de cette période, l'évolution des épisodes de la passion sera présentée, de l'arrivée triomphale à Jérusalem jusqu'à la résurrection.
Le santonnier Michel Vincent est fort inspiré par le poverello : saint François d'Assise, évoqué comme l'inventeur de la crèche contemporaine. il est considéré comme l'un des piliers de la sainteté médiévale, apprécié pour sa manière d'aborder la vie. Cependant, d'autres figures, dont des santonniers et des artistes, l’ont également marqué, en particulier lors d’échanges avec des amis à propos des santons wallons et provençaux. Il a même rencontré des amis santonniers qui avaient remplacé une crèche provençale par des santons wallons.
En parlant de ses inspirations littéraires, il mentionne une écrivaine, Marie Moreau, décédée en 1986, qui écrivait sur sa jeunesse et sur des épisodes de la vie à Saint-Am. Il évoque également sa connexion avec les descendants des personnages de ces écrits, bien que cela ait parfois causé des tensions en raison des différences entre les écrits et la réalité. En matière de films inspirants, il suggère des œuvres de Marcel Pagnol, notamment "Manon des sources" ou "Jean de Florette", qui offrent une vision particulière de la Provence. Il parle également du cœur du vieux Saint-Rémy et de son architecture médiévale, soulignant l'importance historique de la ville. En tant que sacristain, il se considère davantage comme un liturgiste et se concentre sur la présentation des ornements et des usages liturgiques dans un cadre spécifique. Il souligne son respect pour la liturgie mais admet ne pas toujours être en accord avec certaines pratiques.
Michel Vincent ressent une certaine nostalgie en se remémorant son enfance. Petit et fragile à l'époque, il a passé plusieurs mois dans un village de montagne en Suisse, à 500 mètres d'altitude, précisément à Saint-Luc, dans le Val d'Annivier. En revenant des années plus tard, il a constaté que le village avait été profondément transformé par la modernisation, perdant son caractère traditionnel, notamment à cause du développement des stations de ski. Il reste nostalgique de l'ambiance imprégnée des parfums de thym, de bois et de l'atmosphère des chalets. Ses déplacements actuels sont souvent dictés par ses obligations liées à sa participation à des congrès internationaux et divers événements. Quand il le peut, il apprécie passer du temps en Provence, où il a un filleul, pour s'immerger dans les traditions locales, y compris la représentation des santons.
Exposition “Crèches et santons de Provence. Deux siècles de tradition”
Eglise Saint-Remacle, rue d’Amercoeur, 22, à 4020 Liège, du 2 décembre 2023 au 4 février 2024. Ouvert le samedi et le dimanche de 14h à 18h. Droit d’entrée: adulte : 5 euros et enfants de 6 à 12 ans : 2 euros
Visites guidées chaque samedi à 16h. Pour les groupes et les écoles sur demande au 04/343.26.35
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !