J-1 pour la mission Alpha. L’astronaute français Thomas Pesquet devait s’envoler jeudi 22 mars pour la station spatiale internationale (ISS). Mais son départ a été décalé de 24 heures à cause de mauvaises conditions météo. Il se fera depuis Cap Canaveral en Floride. C’est la deuxième fois qu’il rejoint l’ISS, mais cette fois-ci, le voyage se fera à bord de la capsule Crew Dragon développé par l’américain SpaceX.
Sa mission va durer six mois et Thomas Pesquet s'y prépare depuis près d'un an. Cela devrait ressembler à la mission Proxima qu’il avait effectué il y a près de 5 ans. À un peu plus de 24 heures du décollage depuis le Centre spatial Kennedy, tout est rôdé grâce à des répétitions. Thomas Pesquet est serein et concentré. "On égrène dans sa tête le compte à rebours, on a une pensée pour ses proches, sa famille. C'est un moment intense et très vite on se tourne vers le côté technique. On ne veut pas rater une seule action qui serait importante. C'est un peu comme un sportif qui s’aligne sur la ligne de départ du 100 mètres des Jeux Olympiques. On ne pense qu'à ça”, a-t-il expliqué lundi, lors d’une conférence de presse.
Malgré l’habitude, l’adrenaline devrait être au rendez-vous. "Le jour où on le fait pour de bon, il y a une excitation au fond de chaque astronaute qui se dit 'je vais vivre quelque chose de dingue'. Dans le cas de Thomas c’est doublement dingue parce que c'est un nouveau vaisseau. C'est une nouvelle aventure, une nouvelle expérience", affirme Jean-François Clervoy, ancien astronaute qui a voyagé trois fois dans l’espace. Thomas Pesquet partira donc avec la capsule Crew Dragon. Il sera le premier astronaute européen à y prendre place. Avec lui, trois astronautes, américains et japonais.
Une autre nouveauté pour cette mission est que Thomas Pesquet sera commandant de la station spatiale internationale pour la première fois. Il aura la tâche de commander l’ISS, surtout en cas d’urgence. "C’est une reconnaissance de l’excellence de notre famille d’astronautes européens. Il sera reconnu comme celui qui sera qui le plus compétent parmi ceux qui sont disponibles. Si vous observez l’équipage travailler au quotidien, vous êtes incapable de pouvoir discerner lequel est le commandant parmi eux. Mais si jamais il y a un problème important pour lequel on a le temps pour trouver la réponse mais sans communication du sol, la décision est prise par le commandant de bord", détaille Jean-François Clervoy.
Cette mise en avant d’un astronaute européen est bien sûr une fierté pour beaucoup. Du côté du Centre national d’études spatiales (CNES) et de l’Agence spatiale européenne (ESA), on espère que cela suscitera des vocations.
L'objectif de cette mission, c’est la recherche scientifique. Il faut voir l’ISS comme un laboratoire. Des chercheurs missionnent Thomas Pesquet de faire des expérimentations. Des manipulations y seront menées dans des conditions qu’on ne peut pas trouver ici sur Terre : la micro-gravité. L’ESA possède l’avion 0G qui permet de créer des situations d’apesanteur mais seulement pour une vingtaine de secondes. Là il faudra travailler sur le temps long.
Les expériences concerneront le terrestre. On ne va pas analyser les planètes, mais plutôt le vieillissement des cellules dans la micro-gravité. Des analyses utiles pour nous les humains. "En apesanteur le cerveau est pertubé, il y a des phénomènes de perte d’équilibre et il y a plein d’outils pour permettre de mesurer ça. Et ça, par exemple, ça peut être intéressant pour les personnes âgées où il existe pas de diagnostic précoce de perte d'équilibre. Ces études sur la micro-gravité a aussi des applications terrestes. On s’aperçoit qu’il y a tout un pan qui doit profiter au terreste", affirme Sébastien Barde, depuis Cap Canaveral en Floride où il assistera au décollage. Il est sous-directeur Sciences et exploration au CNES. En plus des études scientifiques, les astronautes vont apporter du matériel et entretenir la station spatiale internationale.
Concernant la vie à bord, les astronautes vont dormir dans des duvets accrochés aux murs à la verticale. Ils se laveront avec du savon sans rinçage et devront attacher leurs pieds au sol au moment d’aller aux toilettes.
Pour manger, ils auront des aliments liophylisés assez classiques. Mais pour certaines occasions, le chef étoilé Thierry Marx a préparé des repas de fêtes pour Thomas Pesquet : pressé de pommes de terre aux cèpes, boeuf de Bazas, amandine aux poires, le tout dans des petits boites de conserves. Mais à cause de l’apesanteur, il a fallu s’adapter. Un défi relevé par le physico-chimiste Raphaël Haumont, professeur au Centre français d’innovation culinaire, à Paris-Saclay. "On a fait une sauce au vin, sauf que l’ESA nous dit qu’il faut 0 ethanol donc on a retravaillé le vin au laboratoire pour enlever tout l'alcool. On a fait une distillation. Et puis quand vous ouvrez le plat, il ne faut pas qu’il coule partout, donc les sauces doivent être épaisses. Et par exemple l'amandine poires ne présente aucune miette. Il faut qu’il y ait zéro miette en micro gravité", explique le scientifique.
Dans ce que mangera Thomas Pesquet, tout est pensé pour qu’il y ait le moins de déchet possible. Une dimension écologique importante, car l’astronaute est désormais l’ambassadeur de bonne volonté de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation. Il défendra "l'action contre le changement climatique et la transformation des systèmes agroalimentaires".
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