Les Grandes Conférences Catholiques ont accueilli Monseigneur Terlinden, archevêque de Malines-Bruxelles, pour exposer sa vision sur les missions de l'Eglise dans un monde sécularisé. Que retenir de sa conférence ?
Monseigneur Luc Terlinden était l’invité des Grandes Conférences Catholiques (événement placé sous son Haut-Patronage) le 20 janvier 2025. "Le christianisme peut-il encore nous surprendre ? Quand l'Eglise évangélise sans le savoir." C'était le thème de son intervention au Palais des Beaux-Arts. Résumé avec Vincent Delcorps, rédacteur en chef de CathoBel et du journal Dimanche.
On a vraiment senti que c'était un homme habité, le public a ressenti que de ce point de vue-là, il a touché les cœurs.
Vincent Delcorps : Il n'a pas commencé par parler des problèmes de l'Église, et on les connaît bien (les abus, les débaptisations, la question du manque de vocations...). Tout ça a été évoqué assez brièvement en fin d'exposé. Ce qui était au cœur, c'était l'évangélisation et l'annonce d'une Eglise missionnaire.
L'archevêque a principalement évoqué les lieux, les moyens d'action et les manières qui permettent de faire connaître Jésus aujourd'hui. Après avoir pris acte de la sécularisation, il a rappelé à l'instar de Tertullien au IIe siècle : on ne naît pas chrétien, on le devient. Aujourd'hui, on n'est plus du tout catholique par obligation, et même par naissance ou par éducation. Il s'agit d'un choix, d'un chemin personnel qui se fait de différentes manières. On a vraiment senti que c'était un homme habité. Après avoir discuté avec pas mal de gens à la fin de la conférence, on sent que de ce point de vue-là, il a touché les cœurs.
V D. : C'est l’une de ses petites “punchlines” du moment. Il aime bien se référer à Lucky Luke – qui était un cow-boy solitaire, et qui est son homonyme – pour insister sur le fait qu'aujourd'hui la foi devait se vivre au sein de communautés vivantes, rayonnantes et accueillantes. Lui-même s'est fixé parmi ses priorités pastorales d'être au service de ces communautés. L'Eglise ne peut plus être partout, ça a été dit entre les lignes. Il n'a pas parlé directement de fermer des églises, même s'il l'a quand même laissé entendre assez fort. Mais il a insisté sur les lieux où la vie est là, en prenant soin de ses communautés. C'est là qu'il faut être présent et c'est au service de ces communautés qu'il sera. Tout en disant que la découverte de la foi – notamment chez des jeunes – pouvait être un chemin individuel et très personnel au départ.
V D. : Je pense que c'était un coup de génie qu'il a réalisé dans sa prise de parole. C'est assez rare de diffuser deux capsules vidéos au cours de la conférence et c’est pourtant ce qu'il a fait. Les deux jeunes qui ont témoigné ont chacun découvert la foi et ont raconté leur cheminement. Pour la croyante, c'était d'abord via des études d'histoire puisqu’elle a étudié les textes bibliques avant de s'y intéresser et de faire un véritable chemin qui la conduit vers le baptême. Pour le jeune homme, c’était l'importance du sacrement de réconciliation, un lieu qui l'a aidé à se libérer d'un certain nombre de ses addictions dont il a témoigné avec beaucoup de simplicité. C'était très touchant ! Il me semble que c'était génial d'une part parce que ça permettait d'alléger un petit peu le propos, de faire une pause mais d'autre part parce que ça venait appuyer le propos. C'est bien beau de parler d'évangélisation et de donner des incitations ; lorsqu’on entend deux jeunes qui racontent leur histoire, ça donne évidemment du poids, de la signification et de l'enthousiasme avec lequel, je crois, l'assemblée a pu repartir.
V D. : Cette phrase est venue synthétiser le propos de l'archevêque. Une invitation qu'on entendait déjà dans la bouche de son prédécesseur, le cardinal De Kesel qui insistait lui-même sur cette idée. Je trouve frappant de voir à quel point l’archevêque s'inscrivait dans la lignée de son prédécesseur, dont il a d'ailleurs cité et salué l'ouvrage de référence (ndlr La foi dans une société sécularisée). Une phrase centrale qu'il a notamment illustrée par la messe que le pape avait présidée au stade Roi-Baudouin à la fin de son séjour en Belgique en septembre 2024. Au fond, le stade était comble mais en dehors du stade, il n'y avait personne. Dans les rues adjacentes, les rues étaient vides. Ceux qui étaient là ont vécu quelque chose de fort, et eux-mêmes étaient signes d’une réalité vivante. L'Église n'est pas là pour être fondamentalement nombreuse, mais elle est là pour annoncer le Christ. Et une église nombreuse n'est pas forcément garantie d'être signe de Dieu.
V D. : Il a effectivement repris cette image, comme un retour aux sources. Il y a là sans doute une forme d'inspiration à aller rechercher. Et c'est très beau de voir qu’il s'inscrit vraiment dans une tradition. Les fondamentaux sont la vie fraternelle, la fraction du pain et la prière. Et si effectivement l'Église parvient à revenir à ses fondamentaux, elle pourra alors être signe du Christ.
Une autre image qui l'a prise tout à la fin de son exposé, était chère à un autre de ses prédécesseurs, le cardinal Danneels. C'est la truite qui remonte le courant pour ne pas mourir. Les chrétiens eux-mêmes sont invités bien souvent dans ce monde, non pas à le fuir, mais à s'y engager, et à s'y engager bien souvent en allant à contre-courant, parce que ça peut être ce à quoi l'évangile nous appelle. Par ailleurs, aller à contre-courant, signifie remonter à la source qu’est le Christ lui-même.
V D. : Nommer une femme à la tête d'un vicariat, voilà l’une des mesures phares du début de son archiépiscopat. Ce n'était pas du tout anodin, voire inédit. Le fait que la déléguée puisse ainsi le présenter, je crois que ça donnait un certain souffle. Elle était amusée et quelque peu embarrassée de présenter son “patron”. Mais elle l’a fait avec beaucoup de bienveillance, d'acuité et de précision dans son analyse.
C'est un homme qu'on a senti bien connecté au réel, qui sait de quoi il parle, qui est bien dans sa peau.
On a vu un archevêque jeune et signe d'une grande connexion, je crois, au réel. C'est un homme qu'on a senti très connecté au réel, qui sait de quoi il parle, qui est bien dans sa peau et dans sa génération. Rebecca Alsberge soulignait qu’il est plutôt sur la réserve lorsqu'il s'agissait de parler de lui-même. D’ailleurs, il n'a pas parlé significativement de lui-même, bien qu’il ait évoqué son attachement à la figure de Saint Charles de Foucauld.
V D. : Ceux qui ne suivent pas l'actualité de l'Eglise de manière très assidue mais plutôt via les médias généralistes, ont tendance à donner à celle-ci une image de vieille institution poussiéreuse. Ils peuvent avoir le sentiment que rien ne va en son sein. Certains attendaient des propositions ou du moins que l’archevêque soit plus clair sur ses priorités et ses mesures, mais je crois que ce n'était pas son but. En revanche, entre les lignes, il a quand même été question de la réorganisation des paroisses, mais le sujet a été amené de manière subtile. A la fin de son exposé, il a rappelé les critères de discernement, et il s'est appuyé sur les quatre éléments expliqués dans Evangelii Gaudium, l’encyclique du pape François (le temps est supérieur à l'espace, l'unité prévaut sur le conflit, la réalité est plus importante que l'idée, le tout est supérieur à la partie). Il a beaucoup parlé de processus, de critères de discernement, de travail synodal. Là aussi c'est important qu'il ait l'archevêque, qu'il ait une figure centrale, mais il est là au nom d'une église synodale, c'est-à-dire une église composée d'un peuple en marche.
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