Jamais deux scrutins n’ont été aussi éloignés dans l’histoire de la Vème République. Deux mois et demi d’écart entre les deux tours. Avec au milieu, une période de confinement qui aura duré sept semaines. Et très clairement, la crise du coronavirus a complètement changé la donne.
Le 15 mars dernier, on a découvert une abstention historique pour des élections municipales : 55,34%, soit près de 20 points de plus qu’en 2014. A tel point que de nombreux recours ont été déposés devant les tribunaux administratifs pour contester la sincérité du scrutin. De nombreux électeurs ont renoncé à se rendre aux urnes par peur du coronavirus. Et le baromètre politique Odoxa publié mardi 23 juin dernier n’est pas optimiste : selon ses estimations, la participation serait comprise entre 36 et 40%. Du jamais vu.
Il faut tout de même noter qu’il devrait y avoir des variations en terme de participation. Généralement, la participation est moins forte dans les grandes villes, sauf peut-être dans celles où le scrutin s’annonce très serré, cela peut donc motiver certains électeurs à se rendre aux urnes. Cela pourrait par exemple être le cas à Strasbourg ou à Lille où les résultats s’annoncent serrés. Une chose est sûre : un faible taux de participation risque de reposer la question de la sincérité du scrutin.
Rappelons que la campagne a été complètement bouleversée, puisqu’il n’a quasiment pas été possible de faire campagne justement en raison des mesures de précaution mises en place lors du déconfinement. Pour éviter cette abstention massive, certains élus et observateurs politiques avaient avancé l’idée de mettre en place le vote par correspondance au second tour.
Ce système existe dans de nombreux autres pays : en Allemagne, en Suisse ou aux Etats-Unis. Mais en France, il avait été supprimé en 1975 en raison de nombreuses fraudes. Cette option n’a pas été retenue par le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner qui a tout de même promis d’y réfléchir dans les prochains mois. Pourtant, Sylvain Brouard, du Cevipof, estime que cela aurait réglé bien des problèmes.
A noter que le Parlement a adopté définitivement mercredi dernier, le projet de loi qui facilite notamment les procurations. Un même électeur pourra disposer de deux procurations au lieu d’une. Les personnes qui, en raison de l’épidémie due au nouveau coronavirus, ne pourraient pas se déplacer afin d’établir une procuration, pourront envoyer une tierce personne.
Sur le terrain électoral, ce second tour sera l'occasion de vérifier si les tendances enregistrées au premier tour se confirment : mauvais résultats de la République en Marche, notamment à Marseille et à Paris, résistance des maires socialistes sortants comme Martine Aubry à Lille ou Nathalie Appéré à Rennes, la confirmation de quelques implantations locales du Rassemblement national avec peut-être l’élection de Louis Aliot à Perpignan.
Et bien sûr la percée des écologistes qui espèrent être les grands vainqueurs des élections municipales. Et cela ne sera pas sans difficulté car dans plusieurs villes, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, par exemple, des alliances ont été conclues entre les Républicains et la République en Marche pour faire barrage aux écologistes.
A gauche, Europe Ecologie les Verts et le PS ont fait le choix de l’union à Paris, Rennes, Nantes ou Marseille, alors qu’écologistes et socialistes s’affronteront à Lille, où Martine Aubry devance de quelques points la liste EELV et à Strasbourg où la liste écolo est devant la république en marche, le PS et les LR.
Au-delà des situations locales, il faudra aussi mesurer en quoi ces élections annoncent une nouvelle donne politique de l'après-crise sanitaire : va-t-on voir émerger une gauche sociale-écologiste ? Quelle sera la force de la République en Marche ? Et verra-t-on apparaître un nouveau clivage gauche-droite face aux difficultés économiques et sociales à venir dans les prochains mois ? Des leçons qu’il faudra donc tirer dans la foulée de ce second tour, d’ailleurs Emmanuel macron devrait annoncer un remaniement dans la foulée du scrutin.
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