Une mutation, c’est une modification soudaine et radicale, plus qu’une transition progressive. C’est une transformation rapide et profonde dont on perçoit l’intensité de l’impact, sans pour autant réaliser ni voir tout ce qui se passe et la portée de ses effets.
De toute évidence, parler de notre monde en crise en termes de changement et de mutation fait sens. Mais plus que d’un changement extérieur à nous, ne s’agit-il pas d’une métamorphose et d’une mutation de chacun de nous ?
« Les virus mutent, ils s’adaptent et se transforment pour continuer de vivre. Pourquoi pas nous ? ». Ce questionnement parcourt l’ouvrage Mutation, l’aventure humaine ne fait que commencer, paru il y a quelques jours. On connait l’auteur, Nathanaël Wallenhorst, enseignant-chercheur à l’UCO, expert de l’Anthropocène, cette nouvelle période géologique marquée par l’impact dominant des activités humaines sur les écosystèmes et à l’origine du réchauffement climatique.
De fait, la question porte bien sur une mutation de l’humanité plongée dans une odyssée des vivants. Durant les quatre derniers siècles de l’histoire de l’Occident, la coupure entre l’humanité et la nature a « donné champ libre à tous les abus » soulignait déjà, en 1962, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss (Anthropologie structurale, 1962). La mutation qu’il nous faut vivre, c’est d’en finir radicalement avec cette coupure. Pour cela, Nathanaël Wallenhorst propose « une modélisation susceptible de penser la mutation en Anthropocène », une modélisation qu’il appelle « l’aventure humaine » et qu’il dessine selon trois composantes. En premier, est nécessaire la mise sous contrôle de la capacité de destruction dont l’homme est capable et qui se manifeste dans des logiques économiques sans limites. Deuxièmement, vient la reconnaissance de notre commune appartenance à la vie qui est toujours « échange, circulation, partage ». « Le partage des vivres faisant vivre » induit une logique de responsabilité pour tous. Troisièmement, prenons acte que nous coexistons avant d’exister : il faut « penser ensemble le vivant et son milieu, l’organisme et son biotope », dans une logique d’hospitalité.
Cette aventure humaine a la saveur d’une odyssée, avec des périples et des expériences d’apprentissage C’est pourquoi la mutation et l’aventure humaine en cours invitent à penser de façon radicalement renouvelée l’éducation à l’époque de l’Anthropocène, éduquer pour penser la réalité et ce que nous faisons, éduquer pour apprendre le langage de la terre et l’amour du monde, amor mundi comme l’appelait Hannah Arendt.
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