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Ne confinons pas Neandertal
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Ne confinons pas Neandertal

Un article rédigé par Sophie Laurant - RCF,  -  Modifié le 22 avril 2020
Sophie Laurant nous offre une plongée dans le monde disparu de l'homme de Néandertal pour y partager une découverte récente: l'utilisation de la corde.
C2RMF / Muséum national d’histoire naturelle - Photographie du fragment de corde prise par microscopie numérique (le résidu mesure environ 6,2 mm de long et 0,5 mm de large) C2RMF / Muséum national d’histoire naturelle - Photographie du fragment de corde prise par microscopie numérique (le résidu mesure environ 6,2 mm de long et 0,5 mm de large)

Quand on n’a pas le droit de se dépayser par le voyage, on peut toujours remonter le temps, n’est-ce pas ? Alors imaginez-les, il y a un peu plus de 40.000 ans. Ils sont sans doute cinq ou six assis autour du feu, à l’abri d’une avancée rocheuse. Un homme brise un os pour en sucer la moelle, très énergétique, tandis que son voisin débite en série des lames très tranchantes, par des coups habilement portés sur un gros silex. Il fait déjà froid, nous sommes en automne, près des gorges de l’Ardèche et ces hommes de Néandertal - appartenant à une espèce cousine de la nôtre - sont venus traquer les rennes qui franchissent là un gué avant de remonter vers le Massif central.

En fait, je viens d’interviewer pour Le Pèlerin la paléoanthropologue Marie-Hélène Moncel, qui dirige chaque année les fouilles de ce campement, pour le CNRS et le Muséum national d’histoire naturelle. Peu à peu son équipe formée de spécialistes du monde entier a pu déterminer que l’abri était si bien placé et si propice à la chasse qu’il a servi à des campements saisonniers de Néandertaliens sur, au moins, six longues périodes, échelonnées entre - 90.000 ans et - 40.000 ans.

Figurez-vous que Marie-Hélène Moncel vient de prouver que Néandertal fabriquait et utilisait des cordes [article de la revue Nature, en anglais] pour s’aider dans sa vie quotidienne ! Cela vous semble sans doute, une information ridiculement banale. Pourtant, il a fallu des méthodes dignes de la police scientifique. Avec son collègue américain Bruce L. Hardy, la paléoanthropologue a pris l’habitude de ne pas nettoyer les silex découverts sur le site. Ils sont délicatement transportés au laboratoire et auscultés tels quels sous des microscopes puissants. Là, on piste les vestiges restés accrochés dessus. Et les chercheurs ont vu un bout de corde… Un micro-reste d’exactement 6,2 millimètres de long et 0,5 mm de large. Mais voilà, la minuscule chose était formée de fibres de conifère torsadées entre elles. "Un truc que la nature ne sait pas faire !" résume joliment Marie-Hélène Moncel.

Pour la spécialiste, cette information nous invite surtout à faire un effort d’imagination. Nous avons en effet trop tendance à voir Néandertal uniquement comme un chasseur, tout simplement parce que les carcasses d’animaux et les outils de pierre et d’os laissent plus de traces que ses autres activités. Mais il faut se représenter ses campements avec des artisans occupés donc, à tresser des cordages bien utiles pour hisser, tirer, porter des charges. Ils devaient aussi fabriquer des paniers en roseaux, des nattes, des palissades. Tandis que d’autres cuisinaient des herbes, taillaient des branches pour construire des abris, des traineaux…

Toute cette industrie liée au végétal, à l’organique, a, selon les lois naturelles, presque totalement disparu. Sa redécouverte, par le biais d’un modeste vestige de corde, met d’autant plus en valeur la grande ingéniosité de nos ancêtres.

 

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