Face aux drames liés à l’épidémie du Covid-19, et devant les reproches adressés au gouvernement, la tentation existe pour certains de nos concitoyens d’engager des actions pénales.
C’est un droit qu’il ne s’agit pas de contester, mais les actions pénales contre les politiques sont-elles le meilleur moyen d’engager leur responsabilité ? C’est ce que revendique l’avocat pénaliste Fabrice Di Vizio qui défend un collectif de soignants "C 19" qui a attaqué le Premier ministre Édouard Philippe et l’ex ministre de la Santé, Agnès Buzyn, devant la Cour de justice de la République en vertu de l’article 223-7 du Code pénal. Cet article prévoit la condamnation de ceux qui se sont abstenus volontairement de prendre des mesures pour combattre un sinistre présentant un danger pour les personnes.
Faut-il une telle action pour sanctionner l’incurie supposée des pouvoirs publics sur les masques et les tests ? À cela, le professeur de droit constitutionnel Olivier Beaud [dans Le monde, le 20 avril 2020 - article payant] répond catégoriquement non. Et je crois qu’il a raison.
La responsabilité des gouvernants est d’abord une question politique. Notre constitution est un régime parlementaire qui prévoit la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Il serait grave de faire comme si cet élément central de notre démocratie n’existait pas. Le gouvernement peut être mis en minorité par une motion de censure. Et si l’équilibre des forces politiques rend cela difficile, une commission d’enquête parlementaire peut être créée : c’est un mécanisme qui a fait ses preuves.
N’oublions pas que la Cour de justice a été créée en 1993 pour pouvoir juger pénalement des ministres qui n’étaient plus en fonction pour des fautes antérieures, dans l’affaire du sang contaminé. Mais aujourd’hui, le gouvernement est en place et les ministres peuvent être sanctionnés par la voie parlementaire. Et en dernier recours, ce sera au peuple de rendre son verdict aux prochaines élections.
En revanche, ces questionnements doivent être menés jusqu’au bout. La dégradation de notre système de santé, comme celle de nos trains et métros, insuffisamment calibrés pour assurer des conditions sanitaires sécurisées pour les voyageurs, met en cause une responsabilité ancienne des pouvoirs publics.
C’est cet abandon de pans prioritaires de notre vie commune qu’il convient d’interroger maintenant, non pour trouver des bouc-émissaires mais pour changer
les priorités de notre politique.
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