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Où en est la recherche scientifique sur le VIH/SIDA ?

Un article rédigé par Baptiste Madinier - RCF, le 1 décembre 2021 - Modifié le 1 décembre 2021
Le dossier de la rédactionOù en est la recherche scientifique sur le VIH/SIDA ?

Il aura suffi d’un an pour trouver plusieurs vaccins contre le Covid, pourtant 40 ans après les premières alertes sur le SIDA, il n’existe toujours aucun vaccin contre ce virus qui a fait plus de 36 millions de morts. La comparaison est volontairement provocante. Elle permet de rappeler la difficulté de combattre le VIH. Fin 2020, l’OMS estimait encore à 37,7 millions, le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde. Heureusement, la recherche continue de progresser. 
 

©Unsplash©Unsplash

Il y a un point commun entre le Covid et le Sida : ce sont des virus. Cependant, les coronavirus touchent des cellules qui peuvent être détruites par le système immunitaire. Ce qui n’est pas le cas avec le Sida. “Le VIH est un virus qui infecte les cellules du système immunitaire et une fois qu'il est dans la cellule, il va s’intégrer dans son génome. Il fait alors partie de nos gènes” explique Monsef Benkirane, chercheur au CNRS et directeur du laboratoire de virologie moléculaire à l'université de Montpellier. En gros, le VIH à la capacité de transformer son matériel génétique, de l’ARN, en ADN, contrairement aux coronavirus. 
 

Il faut apprendre au système immunitaire à faire ce qu’il n’a pas su faire tout seul

“Avec le Covid, on sait qu’une personne infectée développe des anticorps qui équivalent à une dose de vaccin”. rappelle Monsef Benkirane. “Ce n’est pas le cas avec le VIH avec lequel on peut se surinfecter. En fait, notre système immunitaire ne sait pas répondre au Sida et cette absence d’immunité protectrice face au virus rend l’émergence d’un vaccin très compliquée. Cela signifie qu’il faut qu’on apprenne à faire au système immunitaire ce qu’il n’a pas su faire tout seul". 
 

Pistes de vaccins 

Malgré cette difficulté à trouver un vaccin, la recherche scientifique est loin d’être dans le mur. “On continue à tester différentes stratégies” relate Serawit Bruck-Landais, directrice du pôle qualité et recherche en santé de l'association Sidaction qui finance la recherche. “La difficulté, c’est que le virus mute beaucoup. Nous avons donc essayé de construire un vaccin avec différents composants du virus pour essayer de contourner ces effets de mutations. Malheureusement, cette piste, qui suscitait beaucoup d’espoir, n’a pas fonctionné".
 

Je ne pense pas que l’ARN Messager puisse être une solution à lui tout seul

Les recherches progressent souvent par les échecs en matière de SIDA. Les pistes possibles sont d’ailleurs encore nombreuses. “Maintenant, on essaye de stimuler l’organisme pour l’aider à produire des anticorps neutralisant. Le but est d’identifier les cellules qui peuvent produire ces anticorps. L’idée est donc de trouver une cellule sur un million“. 

Autre piste née pendant le Covid : l’ARN messager. Les vaccins Pfizer et Moderna contre le coronavirus ont popularisé cette technologie suscitant en même temps des espoirs pour le vaccin contre le VIH. Le laboratoire Moderna a même annoncé, en septembre dernier, lancer un essai clinique pour un vaccin contre le Sida utilisant l’ARN messager. “Je ne pense pas que simplement introduire l’ARN Messager puisse être une solution” tempère Monsef Benkirane. “Cependant, cette technologie, associée à d’autres méthodes, à d’autres idées, cela peut donner quelque chose”. Il faut en fait le voir comme un nouvel outil, une nouvelle piste à explorer. 

Les "contrôleurs d’élites”

Le vaccin contre le VIH n’est pas le seul axe de recherche de la communauté scientifique. Les chercheurs travaillent aussi sur les possibilités de guérison du virus. Dans ce domaine, il y a des sources d’espoirs. Mi-novembre, une jeune femme originaire d'Argentine, testée séropositive en 2013, a guéri du virus sans traitement. Des chercheurs de l'université de Buenos Aires, de Harvard et de MIT aux États-Unis affirment dans une étude publiée le 16 novembre par la revue Annals of Internal Medecine que cette patiente anonyme ne porte plus aucune trace du VIH dans son organisme. C’est le deuxième cas de ce type recensé dans le monde après le “patient de San Francisco” en 2020. “C’est extraordinaire pour nous” se réjouit Monsef Benkirane. 

Le défi est aussi de trier toutes les découvertes sur le VIH

Plus largement, ce sont les "contrôleurs d’élites” qui intéressent les chercheurs : ceux qui arrivent à contrôler naturellement le virus. Ils représentent au maximum 0,5% des malades. “Ces patients développent une réponse immunitaire très forte qui leur permet de contenir le virus. Si les cas de disparition du virus sont dus à une pression immunitaire, ce serait extraordinaire” explique Monsef Benkirane. “Pour l'instant, l'idée est de mieux comprendre et de mieux généraliser ces cas” complète Serawit Bruck-Landais. “On continue à avancer. Il y a beaucoup de choses qu’on connaît mieux car les technologies ont beaucoup évolué. Aujourd’hui, on peut étudier nos actions à la cellule près. Au milieu de toutes ces découvertes, le défi est de trier et d’identifier qu’est-ce qui vraiment généralisable", explique-t-elle. 

Recherche sur les traitements 

Pour ceux, la majorité des malades, qui ne parviennent pas à contrôler naturellement le sida, il faut des traitements pour mettre le virus en dormance. Aujourd’hui, la trithérapie permet aux patients de vivre normalement et d’empêcher la transmission du virus. “Le virus reste alors caché dans les cellules dites réservoires” détaille Serawit Bruck-Landais. 

Le troisième axe de recherche des scientifiques concerne justement ces traitements. L’objectif est de continuer à améliorer les conditions de vie des patients, en rendant par exemple les traitements le moins lourd possible. “Notre arsenal thérapeutique va bientôt se renforcer avec l’arrivée des premiers traitements sous formes d’injections à effet retard. Un patient qui le souhaite va pouvoir bénéficier d’une injection intramusculaire tous les deux mois, au lieu d’être obligé de prendre des comprimés tous les jours” explique Pascal Pugliese, médecin au CHU de Nice et président de la Société française de lutte contre le sida.

Objectif 2030 

Aujourd’hui, les avancées scientifiques vont même plus loin puisqu’il existe des traitements préventifs afin d'éviter d’être infectés par le VIH. Il s’agit de la prophylaxie pré-exposition, la PrEP. “Ce sont des antirétroviraux que l’on utilise chez les personnes infectées par le VIH, mais on s’est rendu compte que leur utilisation chez les personnes séronégatives, mais pouvant être exposées au VIH, empêchait l’infection. La PrEP a fait preuve de sa grande efficacité si elle est bien suivie” selon Pascal Pugliese. La PREP est disponible sur ordonnance chez un médecin généraliste.

Aujourd’hui, les outils existent pour éradiquer le VIH SIDA d’ici quelques générations. L’Organisation Mondiale de la Santé a même fixé une échéance : 2030. Au-delà de la recherche scientifique, se pose la question de l’accès au soin alors que les deux tiers des malades sont localisés en Afrique, soit près de 25 millions de personnes. Selon l’ONUSIDA, investir 29 milliards de dollars par an dans la riposte au VIH dans les pays à faibles revenus d’ici 2025 permettrait à l’humanité de combler son retard pour mettre un terme au sida d’ici 2030.

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