Oui, je voudrais vous parler de Pascal, du pape et du syndicalisme révolutionnaire.
On parle souvent de la pensée de Pascal comme d’une pensée sombre et pessimiste : Pascal aurait ainsi inventé un genre nouveau, celui de la tragédie philosophique. Il serait en quelque sorte le Racine de la philosophie. Mais, en réalité, Pascal, c’est plus que cela. Les Pensées, son œuvre maîtresse et inachevée, sont une épreuve. Une épreuve de vérité. Pascal nous livre nos quatre vérités – celles-là même que nous détestons entendre. Laissons-lui la parole : "J’ai voulu découvrir la raison [de tous nos malheurs], j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective et qui consiste dans le malheur naturel de notre condition (…) si misérable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près".
Mais précisément : nous ne voulons pas "y penser de près". Nous voulons fuir cette vérité. Et quelle est-elle cette vérité terrible ? Que rien ne peut nous consoler. Que nos bonheurs n’en sont pas vraiment, et nos plaisirs non plus, qu’ils échouent à nous enchanter, à nous combler, à nous apporter le réconfort dont nous avons besoin. "Raison pourquoi, poursuit Pascal, on aime mieux la chasse que la prise." Pourquoi ? Parce que pendant qu’on chasse, on est occupé, on ne pense à rien d’autre. On est donc pour un temps heureux et consolé. Mais pour un temps seulement, car cette consolation-là, de la chasse, comme toutes les autres, échouera à nous rendre durablement heureux.
L’homme reste inconsolable au cœur même de ses distractions. Voilà le paradoxe. Voilà la philosophie paradoxale de Pascal. N’instruisons pas, comme le souhaiterait le pape, un procès en béatification, ne faisons pas de Pascal un saint ni même un penseur chrétien. Ce serait manquer l’originalité de sa philosophie, comme celle de son christianisme. Laissons Pascal à la philosophie. Et c’est, contre toute-attente, Georges Sorel, le fondateur du syndicalisme révolutionnaire, qui le dit le mieux : "Dans quinze ou vingt ans, une nouvelle génération, débarrassée (…) des fantômes construits par les philosophies intellectualistes depuis Descartes (…) crier[a] à [ses] maîtres : “Parlez-nous de Pascal”".
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