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« Pleurer des rivières » d’Alain Jaspard

RCF, le 28 septembre 2018 - Modifié le 1 février 2024
Chaque jeudi Christophe Henning vous conseille un livre.

Quand deux malheurs se rencontrent, peut-il en sortir quelque chose de bon ? Pleurer des rivières, c’est une belle histoire qui nous fait réfléchir, qui peut aussi nous bousculer, même s’il agit, j’insiste, d’une histoire, d’un roman, d’une fiction qui n’a pas vocation à trancher un débat de société. Julien et Séverine vivent un amour tranquille, avec une ombre au tableau : ils n’ont pas d’enfant. Franck et Mériem vivent comme ils peuvent, dans leur caravane qui déborde de vie : ils attendent leur huitième moufflet. Deux couples qui vivent dans deux mondes, et c’est parce que Franck le gitan s’est retrouvé devant le tribunal défendu par Julien l’avocat commis d’office qu’ils finissent par se croiser. On l’a compris : après tout, cet enfant de plus, de trop alors que le ferrailleur peine à gagner sa vie, cet enfant ne pourrait-il pas être heureux dans les beaux quartiers ?
 
L’avocat sait bien qu’un enfant n’est pas à vendre. Mais que faire quand sa femme « pleure de rivières » ? Il est bien démuni : « le royaume des larmes est mystérieux, n’y entre pas qui veut », dit-il. Et que faire quand les deux femmes sympathisent ? Elles se découvrent, elles s’apprivoisent, elles deviennent solidaires. L’une donne l’enfant, l’autre le reçoit comme un cadeau. Et tout est bien, en apparence. Après tout, ces deux mondes qui s’ignoraient jusqu’alors, ces deux univers si différents ne sont pas étanches : on passe de l’aire d’Argenteuil au quartier chic, pour partager la même humanité. Est-ce bien raisonnable ? C’est totalement illégal, et pourtant : l’auteur nous rend ses héros si proches, si généreux qu’on se prend à les encourager dans leur folle idée, qui tourne en boucle autour d’une seule question : « quand on fait le bien, où est le mal ? »
 
Un roman qui nous fait aussi réfléchir sur la place de l’enfant dans la société mais avec beaucoup d’humour et de tendresse. A 78 ans, Alain Jaspard signe son premier roman. Lui qui vient du cinéma et du film d’animation a déployé une écriture très imagée, incarnée, qui colle au milieu dans lequel il fait évoluer ses personnages, sans clichés mais avec une certaine jubilation. Epique ou populaire, gouailleur ou bourgeois, le style nous plonge dans l’aventure et maintient un rythme haletant : mais comment va finir cette histoire ? Il faut lire « Pleurer des rivières » pour le savoir…
 
Pleurer des rivières, d’Alain Jaspard, aux éditions Héloïse d’Ormesson.

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