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PMA, bioéthique, l'exception française

RCF,  - Modifié le 8 octobre 2019
La manière dont une partie des Français se mobilise pour des enjeux concernant des sujets hautement complexes comme la famille, ou la procréation, étonne nos voisins européens.


Déjà pour le mariage pour tous, institué sans vraiment de réactions dans les autres pays européens, les débats et manifestations suscités par le projet dans l’hexagone avait surpris.

Et hier, ils étaient de nouveau relativement nombreux, près de 80.000, à manifester à Paris contre la réforme Bioéthique, et l’ouverture de la PMA pour toutes les femmes. Les Français qui s’y opposent se savent minoritaires, mais c’est une minorité non négligeable. Là encore, c’est une exception française car il n’y avait absolument pas eu de débats aussi importants dans les onze pays européens qui ont déjà opté pour cette ouverture de la PMA (l’Irlande, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Danemark, l’Espagne, le Portugal, la Finlande, la Suède, la Croatie et le Royaume-Uni).

Alors, comment expliquer cette spécificité ? La France serait-elle plus chrétienne que ses voisins, sachant que la composante chrétienne dans la mobilisation est tout de même importante ? Non. On sait bien que, si l’on s’en tient à la pratique religieuse, c’est l’inverse, et que la France est le pays le plus sécularisé d’Europe.

Mais cela s’explique sans doute par quelque chose de spécifiquement français, un attachement à une vision de la société qui perdure, et qui a longtemps été porté aussi bien par les Républicains tenants de la laïcité que les catholiques, comme l’a bien analysé le sociologue Philippe Portier.

Il y a deux conceptions de la bioéthique en Europe. Celle, anglo-saxonne qui veut que la liberté soit totale tant qu’elle n’enfreint pas la liberté d’autrui. Et une conception proprement française, qui considère que la législation Bioéthique ne concerne pas seulement la liberté individuelle, mais le bien commun d’une société, et notamment la protection des plus faibles, (enfants), et la dignité humaine, (non-marchandisation du corps humain, don gratuit, refus d’expérimentation sur l’embryon). Ce que le Conseil d’État a appelé le «â€¯modèle français de bioéthique français » dans son arrêt de 2018 (repris en 2019) sur la réforme des lois de bioéthique. Un modèle français qui, dans le triptyque solidarité-liberté-dignité confère, dit-il, «â€¯une place de premier plan à la dignité de la personne humaine ».

C’est pourquoi les réticences en France restent nombreuses, dans tous les camps politiques, et ne viennent pas seulement, contrairement à ce que certains prétendent, de partisans d’une conception traditionnelle de la famille. Qu’il s’agisse de critiquer le désir absolu d’enfant, la volonté de tout maîtriser, y compris le patrimoine génétique, l’institutionnalisation d’une procréation sans altérité sexuelle, c’est bien une vision globale de la société qui est en cause.

On peut dire que cette conception est de plus en plus minoritaire, et battue en brèche par le grand vent de libéralisme qui secoue nos sociétés, et ne sera bientôt plus qu’un souvenir, même en France. On peut aussi espérer que, quoi qu’il en soit des prochaines réformes, ce «â€¯modèle français de Bioéthique », pour reprendre l’expression du Conseil d’État, restera assez fort pour obliger au moins nos représentants politiques à en débattre à chaque fois en profondeur, à penser aux conséquences, à avancer avec précaution. Et à se dire qu’il relève aussi de leur responsabilité de savoir, parfois, dire non à ce qui est techniquement possible.
 

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