C’est une interprétation qui consiste à faire deux fois une même erreur : penser que forêt égale nature ("vert", "écologique") et réciproquement. Ce n’est pas vrai. La forêt, dans l’imaginaire, reste "le lieu sauvage", d’où cette croyance que dès qu’il y a forêt, il y a biodiversité. Ça serait trop simple. La forêt primaire, peu ou pas transformée par l’homme, qu’elle soit amazonienne ou canadienne est de grande richesse écologique. Mais ces forêts-là continuent de disparaître. Et quand chez nous le taux de boisement augmente, ce ne sont pas des forêts naturelles pleines d’animaux. En fait, une bonne partie de ces forêts sont même très pauvres.
Ces nouveaux boisements sont en général des forêts de production. Elles sont exploitées : on sélectionne des arbres pour produire tel type de bois, on réduit ou élimine le reste. Plus on vise un gain à court terme, quelques décennies, plus on crée un milieu ultra-simplifié avec une seule essence d’arbre, pas de sous-bois… L’exemple typique, ce sont les résineux qu’on plante n’importe où, même en plaine, et qu’on cultive d’une manière très intensive. Des champs d’arbres. Sur le plan écologique, ces milieux ont une valeur quasi nulle. A part les pins, rien ne vit.
Ce qui fait la richesse d’un milieu, c’est la diversité. Ici: diversité d’essences, d’âges, d’étages de végétation… Chacun aura ses oiseaux, ses insectes, ses champignons… avec lesquelles elle tisse des liens et c’est ce qui fait vivre les fonctions de la forêt : la biodiversité, la régulation du climat, le stockage du carbone… et les arbres s’en portent mieux aussi. Les boisements intensifs sont des caricatures de forêt. Presque aucune espèce n’y a sa niche écologique. Ces surfaces s’étendent, mais rien ne peut y vivre. Et ça explique que la biodiversité n’en bénéficie pas du tout.
Oui, mais l’alternative n’est pas forêt ou parking. Depuis les années 50 on a vu disparaître la plupart des haies, des prairies ou des zones humides qui étaient des lieux de biodiversité. On a perdu tout ça au profit de milieux urbains, agricoles ou forestiers hyper-artificiels, et donc la vie sauvage ne se maintient nulle part. Une peupleraie intensive à la place d’un marais, un champ de résineux à la place de prairies de moyenne montagne, c’est une perte sèche de biodiversité. Ce qu’il nous faut, c’est créer ou conserver des milieux, agricoles, forestiers, et même urbains, dont l’étude nous dit qu’ils hébergent de la biodiversité. Ce n’est pas le cas de la plupart de nos milieux modernes, y compris malheureusement la forêt.
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