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Pr. André Grimaldi :"C’est un miracle qu’on ait tenu !"

RCF,  - Modifié le 26 mai 2020
L'Invité de la MatinalePr. André Grimaldi :"C’est un miracle qu’on ait tenu !"
Le Pr André Grimaldi, qui lance un appel au secours pour sauver le système de santé, estime que la crise sanitaire a été une "loupe grossissante" sur les dysfonctions actuelles.
JPG- Le Pr. André Grimaldi, auteur de "Santé : urgence" ( éd.Odile Jacob) JPG- Le Pr. André Grimaldi, auteur de "Santé : urgence" ( éd.Odile Jacob)

En janvier 2019, le Pr André Grimaldi avait lancé un cri d’alarme signé par 1 300 médecins et cadres de santé pour sauver l’institution. Alors que sort, ces jours-ci, "Santé : urgence" ( ed.Odile Jacob), un ouvrage collectif qu’il a dirigé avec le sociologue Frédéric Pierru, le Professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié-Salpétrière à Paris réagit au lancement du Ségur de la Santé, hier, par le Premier ministre.  "Ce Ségur suscite beaucoup d’espérance mais aussi parmi les soignants pas mal de défiance. Est-ce que qu’il sera à la hauteur du discours du président de la République à Mulhouse ? Pour dire qu’il y a des biens supérieurs, dont la santé, qui doivent échapper aux lois du marché ?  C’est l’inverse de ce qui a été fait depuis 2008 avec la généralisation de la tarifiation à l’activité ( T2A)"

Pourquoi tant de temps ?

Parmi les mesures urgentes qui s’imposent pour André Grimaldi  : revaloriser les salaires des personnels soignants qui devraient rejoindre la moyenne de l’OCDE (alors que la France, 6ème pays de l’OCDE, est actuellement à la 28ème position sur 32 pays). « Pourquoi tant de temps ?  interpelle le diabétologue, qui rappelle qu’il manquait 800 infirmières avant la crise. On a envoyé des nourrissons souffrant de bronchiolite à peu plus de 200 km de Paris où ils devaient être hospitalisés en réanimation, parce qu’on manquait de lits."

Un système dysfonctionnel pour les urgences, les épidémies et les maladies chroniques

La crise a été une loupe grossissante sur notre système de santé. Il fonctionne bien pour les maladies aigües bénignes et les gestes techniques simples pris en charge en ville, pour les gestes techniques programmés comme la prothèse de hanche, la pose d’un stent coronarien ou la cataracte, une séance de dialyse, parce que c’est standardisé et programmé, et qu’on peut mettre en face un coût et un prix, dans une logique entrepreneuriale et commerciale. Mais pour les maladies chroniques et pour les urgences, c’est dysfonctionnel. Là il faut une coopération entre la ville et l’hôpital. Il faut un travail en équipe médecins et paramédicaux et une prise en charge globale, médicale, psychologique et sociale", explique le Pr. Grimaldi.

" On ne dit plus qu’on est dévoué, on dit qu’il faut travailler à flux tendu" 

Et d'ajouter :  "On a fait tout rentrer dans le modèle commercial. On a même changé les mots, on dit « gagner des parts de marché », on ne dit plus qu’on est dévoué, on est dit qu’il faut travailler à flux tendu ! On dit qu’il faut sans cesse augmenter l’activité mais évidemment au bout d’un moment, ça se casse, car on n'augmente pas les moyens, et on baisse les tarifs…"

Un miracle

" C’est un miracle qu’on ait tenu ! Les conditions pour lesquelles on a tenu sont les suivantes  : il n’y avait plus qu’une seule maladie à l’hôpital, tout le monde était mobilisé et l’administration s’est mise au service du soin ", analyse le Pr. André Grimaldi, qui rappelle qu’il y a plusieurs médecines : la médecine des maladies aigues bénignes, la médecine des maladies graves et des gestes techniques complexes et la médecine des maladies chroniques et de la prévention.

 Une tarification inadaptée pour les 20 millions de patients chroniques

Si la tarification à l’activité est assez adaptée selon lui pour une prothèse de  hanche et pour la  chirurgie ambulatoire, elle est " inadaptée pour les 20 millions de patients malades chroniques ou pour les urgences".

Le Pr Grimaldi s’insurge aussi contre les ruptures de stocks de médicaments essentiels passés dans le domaine public et dont 80 % sont produits en Chine, mais aussi contre les gaspillages ( et notamment les frais de gestion des complémentaires), les coûts de transports qui explosent et le prix des médicaments innovants.

"Quel est le sens de mettre la tarification à l’activité pour les soins palliatifs de fin de vie, quand la mort ne sera pas décidée par les médecins mais par le Bon Dieu ?", interroge le Professeur.

Un bien commun

« La santé est un bien commun qui doit être financé par des recettes dédiées sur lequel l’Etat ne doit pas mettre la main. L’Etat doit être le garant et pas le gestionnaire ! La solidarité est une chance pour tout le monde. Le système le plus inégalitaire est également le moins bon pour la société, c’est le système américain »
 

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