Nous voici en ce Samedi saint. Jour du grand silence… Peut-être le Seigneur semble-t-il tout particulièrement absent en ce jour… Peut-être le Seigneur nous semble-t-il parfois tout particulièrement absent dans nos vies... Et nous pouvons venir vers Lui ce matin spécialement avec ce qui pèse, avec nos doutes, nos deuils ou nos échecs. En osant pourtant, dans la confiance, lui adresser encore une parole, sûr qu’il nous précède même quand nous ne le voyons plus : Seigneur, viens encore tourner notre être vers Toi.
Nous prions aujourd’hui avec le texte de l’ensevelissement de Jésus au chapitre 19 de l’evangile selon St Jean. Juste après la mort de Jésus, Joseph d’Arimathie et Nicodème viennent chercher son corps, le descendre de la Croix, le couvrir de linges et l’embaumer avec respect selon le rituel juif puis le déposer dans un tombeau neuf, dans un jardin tout proche.
En imaginant cette scène, nous pouvons demander au Seigneur la grâce d’être capable, nous aussi, de ces gestes de respect et d’amour… ou la grâce de ne pas nous dérober aux lieux de mort – les nôtres, ceux des autres -, d’oser croire que nous ne le rejoindrons pas sans prendre en charge ces lieux là qu’il a voulu traverser.
Prenons le temps d’abord de regarder ces deux hommes : Joseph d’Arimathie et Nicodème. L’Evangile nous dit que Joseph d’Arimathie était disciple de Jésus en secret, par peur des Juifs et que Nicodème, lui aussi, était venu voir Jésus de nuit, en cachette. Deux hommes donc marqués par la peur dans leur désir de connaître le Christ… Et pourtant… Alors que ce qui vient de se passer, cette mise à mort violente de Jésus devrait les terrifier davantage encore, nous voyons Joseph oser demander le corps de Jésus à Pilate et nous les voyons, Nicodème et lui, révéler au grand jour leur amour pour le Christ… D’où vient cette force en eux qui les poussent ? D’où le reçoivent-ils ce signe de vie déjà là dans ce décor de mort ?
Nous pouvons aussi contempler la manière dont ils descendent le corps de la Croix, l’embaument avec un mélange de myrrhe et d’aloès de grand prix, le lient de linges… avec quel respect, ils font ces rites… Aussi dérisoires soient-ils, ces gestes bravent la mort et l’absurde. Nous pouvons nous tenir là nous aussi, faire par l’imagination ces gestes
Maintenant, nous pouvons suivre Joseph et Nicodème qui portent le corps de Jésus dans un jardin tout proche, dans un « tombeau neuf dans lequel personne n’avait encore été mis ». Paradoxalement, ce tombeau dit la nouveauté, prépare l’incroyable nouveauté de ce qui va se passer. Le jardin ne nous évoque t-il pas celui de la Création ? Dieu crée encore, Dieu recrée dans le silence de ce Samedi. Il fait du neuf. Nous pouvons appeler de notre prière cette nouveauté, nous pouvons décider de croire à cette venue toujours nouvelle de Dieu dans nos vies, pour notre monde, pour la Création toute entière, quand tout semble sclérosé.
Portons enfin notre regard sur ce corps déposé dans le tombeau, enseveli, comme une semence qui souterrainement fait son œuvre de vie. La pierre est roulée. C’est fini. Mais quelque chose germe à l’insu de nos regards. Laissons-nous porter par cette espérance. Car la mort ne saurait retenir ce Corps de Vie… « Ce corps où monte le désir de recommencer un autre âge » …
Alors, pour terminer ce temps de prière, nous pouvons adresser au Seigneur la parole qui monte en nous maintenant, le désir qui nous habite…
Oui, Seigneur, accorde-nous la grâce du courage, de la force et de la délicatesse d’un Joseph d’Arimathie ou d’un Nicodème. Accorde-nous la grâce de la foi pour pouvoir demeurer auprès de ceux et celles qui traversent des morts et appellent notre présence, une parole, un geste de réconfort.
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