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Quels sont les enjeux de la visite du pape François en Roumanie ?

RCF,  - Modifié le 24 juin 2021
L'Invité de la MatinaleQuels sont les enjeux de la visite du pape François en Roumanie ?
Michel Kubler, prêtre ayant vécu huit ans à Bucarest, revient sur les enjeux de la visite du pape en Roumanie, un pays dans lequel la situation de l'Église catholique est complexe.
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Le pape est attendu à partir de ce 31 mai pour un voyage de trois jours à Bucarest en Roumanie, notre grand invité est Michel Kubler : prêtre assomptionniste et a vécu en Roumanie de 2009 à 2017. Il  a fondé et dirigé le centre œcuménique Saint-Pierre-Saint-André à Bucarest. Il est aujourd’hui secrétaire général de la congrégation des Augustins de l’Assomption à Rome et administrateur des Pieux établissements de France.

une église roumaine divisée

De son expérience en Roumanie, Michel Kubler garde un très bon souvenir. Il regrette que le pays soit « ignoré en occident ». Ce pays se sent à la périphérie de l’Europe, explique Michel Kubler : c’est donc un choix logique pour le pape à la suite de ses visites en Grèce et en Macédoine. Un pays avec une situation religieuse « intéressante », ayant à la fois une majorité orthodoxe et une double minorité catholique de rite latin et byzantin.

 Alors que la Roumanie préside l’Europe depuis le 1er Janvier, les Roumains se sentent aujourd’hui « un peu mal-aimés » sans tout à fait avoir « la culture européenne » au sens de l’Europe de l’Ouest. Et pour cause, la Roumanie n’a rejoint l’UE qu’en 2007.

Le pays traverse actuellement une situation politique compliquée, le gouvernement social-démocrate qualifié de « néo-communiste » par Michel Kubler, a été mis en minorité aux élections européennes. Le gouvernement roumain est donc fragilisé face à la montée de la droite et des centristes.

Malgré certaines ressources, comme l’industrie automobile avec Dacia, le pays est tout de même en difficulté. Pour Michel Kubler, cette crise est renforcée par  « l’image assez négative d’eux-mêmes » qu’ont les roumains. Pour le prêtre, lutter contre cette vision négative est aussi un « sens du voyage du pape ».

Dans un pays où l’Église catholique représente « à peine 5 ou 6% de la population », la visite s’annonce compliquée, d’autant plus que les deux Églises catholiques, de rite latin et grec vont devoir « unir leurs forces » pour accueillir le souverain pontife. Pour Michel Kubler, la visite du pape François peut être pour ces communautés l’occasion d’avoir davantage de visibilité face au « géant » orthodoxe.

En plus des différences de rites, l'Église latine de Roumanie est divisée en trois communautés : Tout d’abord une communauté catholique latine de langue roumaine présente à l’est du pays. Deuxièmement au centre et à l’ouest du pays, une communauté de catholiques latins de langue magyare, c'est-à-dire de nationalité hongroise. Dans le sud-ouest du pays, un groupe de langue allemande représente la troisième Église de rite latin.

Il y a donc beaucoup d’unité à réaliser entre les communautés linguistiques, entre les différents rites de l’Église Catholique et à l’échelle de l’ensemble des chrétiens de Roumanie. D’autant plus que les catholiques doivent assumer leur rôle de « petit poucet » face à une Église orthodoxe qui, théologiquement, s’identifie à la nation dans laquelle elle se trouve.

 

« En Roumanie, si vous n’êtes pas orthodoxe, on considère que vous n’êtes pas Roumain »

 
Avec l’institut œcuménique Saint-Pierre-Saint-André, le travail de Michel Kubler était de « faire se rencontrer » les communautés orthodoxes et catholiques grâce à différents événements. Le nom de l’Institut est lui-même un appel à l’union, Saint-Pierre étant la figure de proue des saints catholiques et Saint-André, qui serait mort en Roumanie, un des personnages centraux de l’Église orthodoxe.

 

panser les plaies du régime de CeauÈ™escu

Trente ans après la chute du régime de Ceausescu, le motif de la visite du pape est la béatification de sept évêques assassinés par le régime. En Roumanie, « la mémoire de ces années terribles est vivante pour tout le monde », peu importent les clivages religieux. Cette période de l’histoire a cependant une résonnance particulière pour l’Église catholique de rite byzantin, intégrée de force dans l’Église orthodoxe par Staline. Ce sont les sept évêques de cette Église, persécutés par le régime stalinien, qui seront béatifiés.
 

« La période communiste était une tragédie pour l’histoire de la Roumanie, qui marque encore les esprits »

Cette Église a aujourd’hui besoin d’être reconnue, alors qu’elle n’a toujours pas récupéré tous ses fidèles, et alors que l’Église Orthodoxe ne lui a rendu que 10% des biens qui lui avaient été confisqués. Autre population qui a besoin de reconnaissance : les Roms. Michel Kubler espère « des paroles fortes » du pape en leur faveur.

En Roumanie, le pape devrait recevoir un accueil moins « brutal » qu’en Macédoine et en Bulgarie. Cependant, il ne faut tout de même pas s’attendre à « de grands progrès œcuméniques » après cette visite. Une image qui en dit beaucoup : le pape et le patriarche roumain diront le Notre Père l’un après l’autre, mais pas ensemble. 

Michel Kubler a un souhait : que la visite du pape fasse avancer l'entente entre les religions, et que sa parole soit entendue.  Notamment en mettant en avant  « l'oecuménisme du sang », c'est à dire les persécutions qui ont touché à la fois les catholiques, les orthodoxes et les protestants. 

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