Un rapport très sévère. C’est le moins que l’on puisse dire à la lecture de la dernière étude publiée par l’ONG Oxfam, qui s’intéresse à la manière dont les plus grandes entreprises françaises utilisent leurs profits. Cela fait plusieurs mois que l’ONG y travaille. Bien avant le début de l’épidémie. Une épidémie et un confinement qui ont permis une prise de conscience sur les limites de notre modèle économique.
"On est à un tournant aujourd’hui. On a deux choix : décider de repartir comme en 2008, relancer la machine économique, ou enclencher une transition vers un modèle économique plus juste, plus durable et plus résilient. C’est ce qu’on essaie de faire dans ce rapport, en tirant les leçons du modèle économique de ces dix dernières années, et en étudiant comment les entreprises du CAC40 ont partagé leurs richesses avec leurs actionnaires, leurs salariés etc" explique Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam.
"On a un modèle économique qui crée des inégalités phénoménales en temps de croissance, et qui expose les plus vulnérables en temps de crise. C’est aujourd’hui qu’il faut prendre ces décisions. Ce ne sera malheureusement pas la nouvelle crise, et on a besoin d’avoir des entreprises qui soient plus résilientes, avec des salariés qui soient payés assez pour faire face à ces chocs" ajoute le porte-parole de l’ONG.
Que font donc ces entreprises de leurs profits, une fois que les salaires ont été versés, que les charges ont été payées ? "Depuis dix ans, les entreprises du CAC40 ont décidé de dévier une part de la richesse qu’elles créaient à payer leurs actionnaires. Ce choix, elles l’ont fait au détriment d’une politique de réduction des inégalités salariales, et d’un investissement nécessaire dans la transition écologique. Depuis 2009, les versements aux actionnaires ont augmenté de 70%, la rémunération des PDG a augmenté de 60%. C’est trois fois plus vite que le salaire moyen, cinq fois plus rapide que le SMIC" lance Quentin Parrinello.
Pour le porte-parole d’Oxfam, une telle politique met en danger la pérennité des entreprises elles-mêmes. "C’est contre-productif. Elles se retrouvent en temps de crise complètement fragilisées. Leur survie est menacée. Elles ont besoin d’investir dans la transition écologique. Ce n’est pas Oxfam qui le dit. On ne peut plus continuer avec cette forme de capitalisme qui va droit dans le mur car il ne tient pas compte des limites de la planète en termes de ressources. Aujourd’hui l’enjeu c’est de passer du discours aux actes. D’où notre série de propositions politiques" annonce-t-il.
"On demande de mettre les actionnaires à contribution en plafonnant les bénéfices, on demande à limiter les écarts de salaire, on demande la parité dans les instances de décision des entreprises du CAC40. Ces solutions son pragmatiques, elles ont été discutées avec des chercheurs, des économistes. Certaines entreprises les appliquent déjà" précise Quentin Parrinello.
Ce dernier rappelle que la manière d’agir de ces entreprises n’est pas due au hasard, mais s’inscrit complètement dans la logique de fonctionnement du CAC40. "Les voix des actionnaires sont complètement disproportionnées. La plupart des membres des conseils d’administration des entreprises du CAC40 représentent les voix des actionnaires. Les PDG sont incités financièrement en faveur des actionnaires" conclut-il, précisant qu’il existe un actionnariat intelligent, à long terme, qui irait dans l’intérêt même du principe d’actionnaire.
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