À l'occasion du 80ème anniversaire de la rafle du Vel d'hiv, le samedi 16 juillet, Haïm Corsia, grand rabbin de France a demandé à ce que la lettre de Mgr Jules Saliège alors évêque de Toulouse, soit lue dans les synagogues de France. Retrouvez la lettre dans l'article ci-dessous.
Le 16 et 17 juillet 1942, 13152 hommes, femmes et enfants de confession juive sont arrêtés à Paris lors de la rafle du Vélodrome d'Hiver. C'est la plus grande arrestation massive de juifs en France pendant la Seconde Guerre Mondiale.
À l'époque Mgr Jules Saliège est évêque de Toulouse. Quelques jours après la rafle du Vél' d'Hiv', il rédige une lettre d'indignation§. Il demande à tous les prêtres du diocèse de Toulouse de lire cette lettre le dimanche 23 août 1942. Quatre-vingt ans plus tard le grand rabbin de France, Haïm Korsia, demande à ce que la lettre soit lue dans toutes les synagogues, un magnifique symbole interreligieux. Voici la lettre de Mgr Jules Saliège :
LETTRE DE S.E. MONSEIGNEUR L’ARCHEVÊQUE DE TOULOUSE SUR LA PERSONNE HUMAINE
Mes très chers Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.
Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ?
Pourquoi sommes-nous des vaincus ?
Seigneur ayez pitié de nous.
Notre-Dame, priez pour la France.
Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante — l’expression a été remplacée par « émouvantes » après que Jules Saliège eut reçu des pressions — ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.
France, patrie bien-aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs — pour la même raison, ce mot a été remplacé par « erreurs ».
Recevez, mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement.
Jules-Géraud SALIÈGE
Archevêque de Toulouse
À lire dimanche prochain [23 août 1942], sans commentaire.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !