"La honte doit changer de camp", assure Mgr Emmanuel Gobilliard, alors que vient de paraître "Religieuses abusées, le grand silence" de Constance Vilanova ( ed.Artege). Un événément passé relativement inaperçu probablement noyé dans une actualité trop chargée.
Ce livre est bien documenté, sans outrance. Il donne avec respect la parole aux courageuses femmes qui ont eu la force de parler. Leurs récits sont effrayants et bouleversants. Nous apprenons que certaines de ces femmes ont non seulement été abusées, mais que ces abus se sont prolongés dans l'agression et le viol. Elles ont donné leur vie au Seigneur, au service des plus pauvres, au service justement de notre Eglise. Elles ont été accompagnées par des prêtres et des évêques, souvent des personnes très en vue, possédant un fort charisme, à l'aura médiatique reconnue. Elles ont cru qu'elles pouvaient leur faire confiance. Elles ont probablement, anesthésiées par un discours intelligent et mystique, baissé la garde. Elles ne se sont aperçues que trop tard que ces hommes étaient des loups pervers qui avaient lentement tissé leur toile pour enfermer ces femmes innocentes dans leurs griffes diaboliques.
Le pire, c'est que désormais, ce sont elles qui sont ostracisées, rejetées. Ce sont elles qui paradoxalement portent la honte et même la culpabilité. Au nom de l'Evangile, nous avons le devoir d'aller à la recherche de ces brebis perdues pour qu'elles soient vraiment reconnues dans le drame qu'elles vivent, pour qu'elles soient accueillies, soutenues, aidées, pour que la honte change de camp et que les coupables soient jugés et écartés.
Certains m'objecteront qu'il ne faut pas remuer la merde, qu'il faut laver son linge sale en famille, que ça fait du mal à notre Eglise. Non, ce livre fait du bien à l'Eglise et pourtant, ce livre est en dessous de la réalité. Le scandale, ce n'est pas lorsque l'Eglise perd sa réputation ou son aura médiatique, le scandale, c'est quand de tels actes se commettent. Et lorsqu'on ajoute du scandale au scandale, en demandant aux victimes de se taire, et parfois en les renvoyant de leurs instituts comme si elles étaient des prostituées. Alors merci Constance Vilanova, merci à tous ceux qui les soutiennent et qui parlent d'elles.
Il est absolument nécessaire que ce livre soit présent dans les bibliothèques des communautés religieuses, qu'il se transmette dans les instituts religieux, les noviciats, les écoles de vie ou d'évangélisation, pour que toutes les consacrées soient immunisées, prévenues, pour qu'elles sachent aussi ce qu'est un accompagnement spirituel respectueux et ajusté. Et surtout ce qu'il n'est pas. Il est nécessaire qu'en même temps que nous condamnions les actes abominables que ces femmes subissent nous mettions aussi en valeur l'énorme majorité de ces prêtres, ces évêques, ces religieux, qui exercent leur ministère de façon admirable et ajustée.
Dénoncer le mal, c'est aussi permettre que le bien puisse se faire. Et le reconnaître.
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