Le sujet des retraites en France est un dossier potentiellement explosif pour n'importe quel gouvernement. Même si le système actuel des retraites est considéré comme "injuste et inefficace" par 71% des Français, un taux qui monte à 80% chez les plus bas revenus.
Face à de tels chiffres, le terrain semble favorable pour rendre la réforme populaire. Et pourtant, cela ne semble pas si facile ! Plusieurs syndicats appelaient mardi 9 octobre dernier à contester la politique sociale d'Emmanuel Macron. Tous les secteurs étaient invités à défiler dans la rue pour faire entendre leur opposition. En bonne place figuraient les retraités, qui s'estiment lésés par les réformes en cours.
Une colère que comprend l'économiste Jacques Bichot, spécialiste des questions de protection sociale et particulièrement des retraites. Car en 2019 et en 2020, les pensions des retraités ne seront plus indexées sur l'inflation. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de ne toucher ni à l’âge légal de départ en retraite ni à la durée de cotisation. Et lors de son discours devant le Congrès, en juillet dernier, il a rappelé son attachement à un système "par répartition".
Cette réforme des retraites engagée par l'exécutif va concerner tous les actifs : fonctionnaires, salariés du privé, professions libérales ou agriculteurs. Un véritable big bang qui ambitionne de rendre plus équitable et plus lisible un système devenu indéchiffrable, avec sa quarantaine de régimes soumis à des règles différentes.
De ce projet, peu de choses sont connues, mise à part une profession de foi très générale : il s’agit de bâtir un dispositif universel où chaque euro cotisé apportera les mêmes droits à tous. Mais pour Henri Sterdyniak, économiste à l’Observatoire Français des Conjectures Economiques et cofondateur des Economistes atterrés, cela va remettre notre système de solidarité en question.
Le gouvernement réfléchirait ainsi à instaurer un système de minoration-majoration des pensions pour inciter à travailler un an de plus, ce qu'on appelle l'âge pivot, établi à 63 ans. Concrètement, cela veut dire qu'il faudrait un an de travail supplémentaire pour toucher la retraite de base à taux plein. A 62 ans, on pourrait demander de partir à la retraite, mais pas à taux plein. Une optionqui a déjà suscité une vague de contestation de la part des syndicats. Et avec laquelle n'est pas d'accord Henri Sterdyniack, de l'OFCE.
Convoqués mercredi 10 octobre pour un bilan à mi-parcours, les partenaires sociaux ne cachent plus leur impatience de connaître les arbitrages du chef de l'Etat. Les syndicats sont en effet très partagés sur la question des retraites. FO et la CGT voient par exemple d'un mauvais œil ce changement de régime, qui selon eux va exacerber je cite "les inégalités de la société".
Les centrales réformistes, comme la CFDT et la CFTC, soutiennent l'idée d'une refonte pour un système "plus lisible et plus simple" tant que la "répartition, la solidarité inter et intragénérationnelle sont sauvegardées". Pour Frédéric Sève, négociateur dans ce dossier pour la CFDT, il y a des choix qui se dessinent qui doivent désormais être discutés.
Mais cette réforme pourrait bien être repoussée. Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, souhaite étendre un peu le calendrier. Ses propositions étaient attendues pour janvier-février. Leur présentation pourrait être décalée au printemps. Tout comme le projet de loi.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !