Pour Cyrille Bret, enseignant à Sciences Po et spécialiste de l'Asie, la première impression qui ressort de cette rencontre est celle d’une "belle chorégraphie". "Convivial mais mesuré, rapproché mais millimétré. On a connu Donald Trump plus expressif, à la fois dans sa convivialité, mais également dans ses réticences. On est au début d’un processus, pas à son aboutissement. Et rien n’est gagné" explique Cyrille Bret.
Ce spécialiste ajoute que "tous les appareils diplomatiques sont assez bien rodés à ce genre d’exercice. La préparation porte à la fois sur la forme qui est très importante et sur le contenu. La forme porte sur le lieu, la Suède et la Mongolie ayant été écartées, sur le format, le type de rencontre, une plénière ou un tête à tête. Là c’est une rencontre d’homme à homme. Et puis il y a tout le volet de négociations sur le fond".
Il n’en demeure pas moins qu’au-delà de la chorégraphie, cette rencontre est historique. "Elle introduit une rupture. Le but est de se hausser à la hauteur de la plus grande puissance internationale pour la Corée du Nord. Elle passe du statut d’État paria à partenaire bilatéral avec l’hyperpuissance américaine. C’est aussi une rupture pour les États-Unis mais tout l’enjeu est de savoir si l’on pourra aboutir à un processus de paix. Ces processus sont, on le sait, très longs" ajoute encore Cyrille Bret.
Pour la communauté internationale, l’enjeu avec la Corée du Nord est bien la dénucléarisation de ce pays. "C’est un mot valise qui comprend le démantèlement de l’arsenal nucléaire, les vecteurs et les têtes. Cela peut aussi porter sur les capacités de recherche et de développement. C’est aussi la redéfinition des instances de contrôle de l’autre, des informations que l’on donne" explique encore l’enseignant à Sciences Po.
"Cela fait plusieurs décennies que le but de la Corée du Nord est de se hisser au rang de partenaire avec lequel on peut négocier. Le seuil nucléaire a été franchi. La Corée du Nord en est à son sixième essai et dispose vraisemblablement des vecteurs balistiques qui lui permettent de bénéficier du statut de puissance nucléaire. Maintenant il s’agit d’engranger les dividendes non pas de la paix mais du programme nucléaire : obtenir une reconnaissance, obtenir des garanties sur la survie du régime, obtenir une certaine prospérité, obtenir l’inclusion de la Corée du Nord dans un système de sécurité plus général en Asie" précise Cyrille Bret, au sujet des enjeux pour Kim Jon Un.
Après une telle rencontre, la question se pose légitimement : qui sont les gagnants, qui sont les perdants ? "Il est certain que les États-Unis vont perdre de leur puissance. Cela sera compensé par la capacité de Donald Trump à assurer ces fameux deals. Ce serait un succès bienvenu pour Donald Trump. Dans la région, la Corée du Sud a œuvré pour que cette rencontre soit possible. S’il y a un perdant, c’est sans doute le Japon. Le Japon aurait tout à perdre s’il n’était pas associé à ces discussions" conclut Cyrille Bret.
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