À Venise, Londres, Amsterdam ou Barcelone, des mouvement anti-touristes émergent en réaction au tourisme de masse et ses dégâts. Le sociologue Rodolphe Christin, qui dénonce un "consensus" autour des vertus du tourisme depuis plusieurs années, analyse ces réactions.
"Il y a de plus en plus de touristes qui visitent la planète" et donc de plus en plus de lieux pris d'assaut pendant la haute saison touristique. Impact sur l'environnement, nuisances en tous genres... les dégâts du tourisme se sont aggravés. Même si le sociologue précise que déjà dans les années 80, les stations de ski étaient "saturés touristiquement". Aujourd'hui, ce phénomène de surtourisme touche les grandes villes européennes, la visibilité du phénomèn est plus forte, "il existe enfin aux yeux du grand public".
Dans plusieurs villes, des stratégies ont été mises en places pour éviter les désagréments liés à la saturation des lieux touristiques : réglementation des locations saisonnières via les plateformes comme Airbnb, taxes, quotats de visiteurs... "Des mesures qui ne peuvent pas suffire, selon le sociologue, elles viennent poser des normes, poser des règles, poser des limitations à la liberté de circuler, à la liberté d'accéder à l'espace public. Je pense qu'il faudrait prendre le problème à la source." C'est-à-dire, "sur le plan politique, pourquoi est-ce que le tourisme est devenu cette espèce d'industrie incontournable ?"
"On note depuis deux, trois, cinq ans, que le consensus touristique est en train de se fissurer, explique Rodolphe Christin, et que de plus en plus, des habitants de territoires touristiques s'organisent et contestent finalement les vertus du tourisme." En 2017, le sociologue a publié un "Manuel de l'antitourisme" (éd. Écosociété) où il critiquait le tourisme "de manière assez radicale voire frontale" pour briser "le consensus qui existait autour de l'industrie touristique".
Consensus autour des vertus du tourisme, comme les retombées financières. Certes, le tourisme rapporte de l'argent mais il "n'a pas éradiqué la pauvreté" dans certaines pays. Et "les répartitions son loin d'être équitables". Le tourisme est aussi une activité fragile, qui repose sur des emplois précaires et surtout qui "dépend de flux exogènes aux territoires". Dès lors que la sécurité est remise en question dans un lieu touristique, les flux de visiteurs sont "facilement contrariés".
Tourisme ou voyage, quelle différence ? "La signification accordée à l'expérience qui consiste à se déplacer dans la géographie, dans les cultures... fait partie de l'expérience du voyage, avec une dimension liée à l'exploration à la découverte de l'autre, de soi ; mais aujourd'hui on peut se demander si l'exploration et la découverte sont encore les motifs de la pratique touristique".
On assiste cependant à une prise de conscience : le sociologue remarque que de plus en plus de gens réfléchissent à l'idée de partir. "Une prise de conscience qui me paraît salutaire, qui j'espère est un point de départ pour remettre en cause les bienfaits de l'industrie touristique".
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