​Transhumanisme: pour Alexis Jenni, "on joue avec les fantasmes des gens"

En 2017, Alexis Jenni avait participé à un projet qui avait abouti à un livre de cuisine, « femmes d’ici, cuisines d’ailleurs » (éd. Albin Michel). S’en est suivi un livre pour rendre hommage au corps humain avec son dernier ouvrage. De quoi presque faire passer Alexis Jenni pour un bon vivant. "La vie est plaisante, tout de même. La matérialité de la vie est quelque chose auquel je tiens. C’est notre seul bien. Nous sommes un corps et il faut avoir une relation amicale à ce corps. C’est un travail d’être à l’écoute de ce corps. Il nous parle dans une langue pas très claire, mais c’est extrêmement important d’entendre cette voix pour éviter de l’abîmer, de craquer, ou d’être détaché de ce corps" explique l'écrivain.
 

Le corps, cette "part du monde qui est à nous"

On imagine tous les écrivains focalisés sur l’écriture et leur esprit, dénigrant parfois leur corps. Pas Alexis Jenni. "Le corps est l’outil de l’écriture. Tous les premiers jets que je fais, je les fais à la main. C’est ma main qui a l’idée, qui est capable d’écrire. Quand j’ai une petite idée qui me vient brusquement, si je l’écris sur ordinateur, je vais écrire ce que je vais penser. Si je l’écris à la main, deux pages vont sortir, deux pages que j’ignorais. Il y a quelque chose dans l’agissement du corps qui crée de l’écriture, de la littérature. J’ai aussi besoin de me mettre en mouvement, de marcher" ajoute-t-il.

L’écrivain reconnait être émerveillé par le corps humain. "C’est la plus grande merveille du monde. Il est capable de toutes sortes de choses. Il est capable de bouger, de penser, de parler, d’aimer et de prendre un plaisir fou. C’est une partie du monde. C’est la part du monde qui est à nous. Nous sommes totalement dans le monde, et ce sont nos propriétés" précise Alexis Jenni. Ce dernier ajoute que "nous voyons notre corps de façon obsessionnelle, sous l’aspect de la performance, sportive, esthétique, hygiénique. On a de plus en plus les moyens de pousser ça à fond. Et des tas de gens deviennent dingues".
 

La science est encore très loin des discours officiels sur le transhumanisme

"Le perfection telle qu’on la pense est sans contenu. Qu’est-ce-que ça fait d’avoir un corps parfait ? Je ne sais pas. Quand il y a des gens qui montrent leur corps parfait, en l’affirmant, ils me font peur. Ils ont des corps de fou. C’est bidon. C’est l’argumentaire produit de Google et des entreprises du même ordre. On a un scénario science fiction dont on fait semblant de dire que c’est presque là. Mais ça n’a pas de sens. On fait comme si c’était quelque chose qui sera possible, et qu’on y est presque. Mais c’est du vent" lance Alexis Jenni au sujet du transhumanisme.

D’un autre côté, la science fait des merveilles de nos jours. Elle permet à des personnes amputées de retrouver un nouveau membre, à des aveugles de retrouver la vue. "C’est ça le problème. On n’en est pas là. Il y a dans des laboratoires très performants des travaux qui se font. On est dans des recherches. On n’est absolument pas dans ce que promet cette médecine. La réalisation de tout ça est dans un horizon très lointain" conclut Alexis Jenni.