Depuis mi-décembre, la Mer Rouge est le théâtre d’attaques répétées sur des navires et porte-conteneurs occidentaux. Les Houthis, à l’origine de ces actions violentes, déstabilisent un équilibre mondial maritime qui a su s’adapter. Le mouvement politico-militaire, qui se réclame de l’Islam chiite zaydiste, fait face à une communauté internationale en quête de solution pour une sortie de crise.
Cette fois, la crainte de la régionalisation du conflit au Proche-Orient se confirme. La guerre entre le Hamas et Israël, déclenchée depuis les attaques du 7 octobre, fait des vagues jusque dans la mer Rouge. Le mouvement Houthis, membre revendiqué de “l’Axe de la Résistance”, allié du Hamas à Gaza, du Hezbollah libanais, et des Gardiens de la Révolution iraniens, mènent des attaques répétées dans le détroit de Bab el-Mandeb.
Conséquence de ces actions violentes et du soutien affirmé des Houthis à Gaza, le trafic maritime est quelque peu déstabilisé. Le transport de conteneurs en mer Rouge a baissé de près de 30 % sur un an, estime le Fonds Monétaire International (FMI). Le détroit de Bab El-Mandeb, porte d’entrée du canal de Suez par le sud, est particulièrement pris pour cible par les rebelles Houthis.
Face à la situation, les armateurs, responsable de la gestion et l’exploitation des porte-conteneurs, sont contraints de dérouter leurs navires. Désormais, par souci d’assurance et de sécurité, le transport maritime contourne l’Afrique par le sud et passe par le Cap de Bonne-Espérance. Pas un problème, selon Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’Économie maritime. “La conteneurisation est particulièrement élastique. Elle est faite pour s’organiser autour de la hausse et de la baisse de l’activité, notamment avec la saisonnalité”, rassure-t-il.
La conteneurisation est particulièrement élastique. Elle est faite pour s'organiser autour de la hausse et de la baisse de l'activité.
Si les retards d’approvisionnement ne sont que très peu visibles dans le quotidien occidental, les délais de transit sont, pour autant, bien allongés. “Entre huit et quinze jours”, estime le spécialiste. Des itinéraires alternatifs, plus longs mais moins risqués, effectués “à la demande des assurances”.
À l’origine de ces attaques, le mouvement militaro-politique des Houthis, n’hésite pas à user de la force, pour exprimer son soutien aux Palestiniens de Gaza. S’il cultive une défiance pour l’impérialisme occidental au sein de l'opinion publique yéménite depuis des années, le conflit entre Israël et le Hamas ravive cette haine occidentale.
Les Houthis du Yémen ont attaqué 4 navires de guerre américains en mer Rouge au cours des dernières 24H Le HMS Diamond de la marine britannique aurait été gravement endommagé. Bien que la Grande-Bretagne nie tout dommage, le navire a été retiré de la zone d’attaque des Houthis pic.twitter.com/ENvIUvTHZJ
— France Médias Numérique (@NumeriqueFrance) 7 février 2024
Membre revendiqué de “l’Axe de la Résistance”, allié du Hamas, avec le Hezbollah Libanais et les Gardiens de la Révolution Iraniens, les rebelles Houthis, se développent dans les années 1990. Aujourd'hui, “le mouvement est dominé par une famille qui s’appelle la famille al-Houthis et qui est devenue très importante parce que le gouvernement central du Yémen est devenu très faible. Ils se sont organisés pour dominer le pays et contrôlent aujourd’hui presque tout le Yémen du nord”, éclaire Bernard A. Haykel, professeur des études du Moyen-Orient à l’Université de Princeton aux Etats-Unis.
Les Houthis sont devenus importants parce que le gouvernement central du Yémen est devenu très faible. Ils contrôlent aujourd'hui presque tout le Yémen du nord.
70 % de la population yéménite est contrôlée par l’autorité Houthis. Ce sont 20 millions de personnes qui vivent au sein d’une société dominée par la religion, calquée sur le modèle iranien. À la différence de Téhéran, le mouvement Houthis défend le zaydisme, une branche minoritaire de l’Islam chiite, éloignée de celle de l’Iran, du Liban ou de l’Irak. “La famille al-Houthis se réclame descendante du prophète Mahomet”, ajoute Bernard A. Haykel.
Si le transport maritime prend acte de la situation en déroutant ses navires par le sud de l’Afrique, la piraterie Houthis pourrait vite prendre une allure de bataille navale. L’Occident prépare sa riposte depuis plusieurs semaines et pilonne les positions Houthis. Menée par une coalition américano-britannique, l’opération Gardien de la prospérité vise à répondre aux attaques et menaces des Houthis contre les vaisseaux commerciaux, considérés alliés d’Israël.
Je ne crois pas qu'il y a une solution militaire. Même si l'on frappe tous les jours, ils [les Houthis, ndlr.] sont capables de résister.
La France, cependant, n’en fait pas partie. Fort de sa base à Djibouti, Paris préfère garder ses commandements exclusivement sous giron Français. Des rumeurs autour d’une intervention militaire au Yémen sont sorties dans la presse début janvier, sans que l’Élysée n’officialise quoi que ce soit.
De plus, malgré les risques de la coalition américano-britannique, Bernard A. Haykel assure que la sortie de crise n’est possible que pas “des accords de paix”. Il ajoute que “c’est presque impossible de vaincre les Houthis”, comparant le mouvement aux Talibans. “Je ne crois pas qu’il y ait une solution militaire. Même si l'on les frappe tous les jours, ils sont capables de résister”, dit-il prônant une réponse pacifique.
L’Arabie Saoudite de Mohammed Ben Salmane avait notamment démarré des négociations il y a trois ans qui irait dans ce sens, avant qu’elles soient retardées par les derniers événements dans le détroit de Bab El-Mandeb. Une solution de sortie de crise en mer Rouge, ne semble désormais possible qu’à condition d’un accord de paix trouvé à Gaza, 2 000 kilomètres plus au nord.
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