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Trois millions de cas chaque année : ce qu'il faut savoir de la lèpre

Un article rédigé par Jeanne d'Anglejan - RCF, le 26 janvier 2023 - Modifié le 26 janvier 2023
Je pense donc j'agisTrois millions de cas chaque année : ce qu'il faut savoir de la lèpre

Dans l’imaginaire collectif, la lèpre est une maladie du Moyen-Âge. Pourtant, elle touche encore chaque année plus de trois millions de personnes à travers le monde. Parmi ceux qui s’engagent auprès des malades, que ce soit sur le terrain ou à distance, la Fondation Raoul Follereau. La journée mondiale des malades de la lèpre, le vendredi 27 janvier, est l’occasion de délier les langues autour de cette maladie parfois taboue.

Dépister la lèpre est un combat de chaque jour. © Fondation Raul FollereauDépister la lèpre est un combat de chaque jour. © Fondation Raul Follereau

Une maladie que l’on ne veut pas (re)connaître ?

 

La Fondation Raoul Follereau œuvre depuis près de 70 ans à sensibiliser sur la réalité de la lèpre et à agir sur le terrain. Toutes les trois minutes, un cas de lèpre est déclaré à travers le monde. La maladie sévit dans 106 pays à travers le monde, et un malade sur dix est un enfant. Ce sont les derniers chiffres de l’OMS. Ils témoignent de la persistance de la maladie. Parmi les pays les plus touchés, on compte l’Inde, l’Indonésie ou le Brésil, qui déclarent à eux trois 75% des cas.

 

L’Afrique, pourtant, n’est pas épargnée par la lèpre. Cette maladie infectieuse et bactérienne est essentiellement transmise par la salive. Si les premiers symptômes sont dermatologiques, c’est aussi une maladie neurologique. "Contrairement à ce que l’on peut croire, la lèpre n’est pas trop contagieuse : il suffit aux soignants de prendre des mesures hygiéniques importantes", explique le père Grégoire, infirmier togolais qui soigne au Bénin.

 

Des malades doublement punis

 

Partout où elle sévit, la lèpre touche les pauvres parmi les pauvres, les contraignant bien souvent à vivre cachés et exclus. "Dès lors qu’ils rencontrent le regard des autres, certains patients s’auto-excluent", déplore le docteur Bertrand Cauchoix, spécialiste de la maladie et conseiller médical de la Fondation Raoul Follereau. Ce n'est que depuis les années 1950 que l’on peut soigner la lèpre : il s’agit donc de faire un travail sur le terrain pour changer les regards et les croyances sur cette maladie.

 

"C’est compliqué de changer les regards : la lèpre fait peur". Pour beaucoup, la maladie est vécue comme une malédiction qui oblige à quitter les communautés. La lutte contre cette forte stigmatisation passe par le soin, mais aussi par l'amour, explique le père Grégoire. "En tant que soignant, on se mobilise grâce à l'amour qu'on a pour les patients" : cela les aide à rester intégrés, à retrouver leur dignité et leur estime d'elles-mêmes. La fondation travaille en effet au service de la personne en prenant en compte les dimensions humaines. Oleg Ouss est président du directoire de la Fondation Raoul Follereau et souligne que les femmes, parce qu'elles cumulent de nombreuses charges, tardent à consulter. Une fois reconnues malades, "elles veulent rester belles pour ne pas être abandonnées et pouvoir subvenir aux besoins de leur famille". Il fustige cette "réalité inacceptable".


Éduquer, sensibiliser et soigner

 

Dans les villages, l’éducation manque. Beaucoup des malades se tournent vers des tradipraticiens, qui auraient des dons. "Ça cantonne les gens dans une ignorance", dénonce le docteur Cauchoix. Alors pour dépister, les soignants se rendent dans les villages, sans prononcer le mot redouté de "lèpre". Les personnes diagnostiquées doivent ensuite se rendre dans des centres où ils sont soignés et sensibilisés. Le traitement est long : "entre 6 et 12 mois", souligne Oleg Ouss. Il nécessite une prise quotidienne de médicaments, et présente peu d’effets secondaires. Dès les deux premières prises, le malade n’est plus contagieux.

 

Le suivi des patients est un véritable défi. Ceux qui rentrent dans leurs villages arrêtent parfois de prendre leurs médicaments, et leur traitement est un échec. "On doit s’adapter au malade : certains sont en ambulatoire, d’autres doivent être hébergés", expliquent les intervenants.

 

Un monde sans lèpre est envisageable. Pour cela, il faut de la volonté, et trouver un moyen d'adapter les soins dans les pays en conflit. "On doit poursuivre l’effort", avance Oleg Ouss : l'État ivoirien s'est engagé dans le combat avec le plan "Zéro lèpre" d'ici à 2030. Dans d'autres pays comme le Tchad ou Madagascar, la lutte est rendue plus dure par les conditions de pauvreté ou de conflit.

 

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