Les soignants non-vaccinés voient-ils enfin le bout du tunnel ? La question de leur réintégration s'impose aujourd'hui dans les débats, jusqu'à l'Assemblée Nationale. Mais que sont devenus ces suspendus qui ont dû changer de vie d'un jour à l'autre ?
Les débats ont été plus que houleux jeudi 24 novembre sur les bancs de l’Assemblée Nationale. Le député Renaissance de Maine-et-Loire, Denis Masséglia s’en souvient encore, vivement interpellé par sa collègue de LFI Sofia Chikirou. Les débats portaient alors sur la réintégration des soignants non vaccinés. Une question qui se pose de plus en plus à l’heure où les hôpitaux sont encore une fois saturés et que d’autres pays européens comme l’Italie, l’Autriche ou l’Angleterre ont déjà sauté le pas. Mais des mois après leur exclusion, un bon nombre de ces anciens parias ont dû changer de vie contraints et forcés.
Isabelle, de l’orthophonie à la plomberie.
C’est le cas pour Isabelle Aubry. Il y a encore quelques mois, elle travaillait en tant qu’orthophoniste dans un cabinet para-médical de l’agglomération d’Angers.
« Ça a été extrêmement violent, confie l’ex-soignante, j’ai eu des courriers qui me disaient que sans vaccin, je risquais 3000 euros d’amende et six mois de prison avec sursis. J’avais l’impression d’être une délinquante. »
Pour conserver son activité, Isabelle Aubry joue alors son va-tout.
« Je leur ai proposé de me tester toutes les semaines, ce qui était possible puisque je ne travaillais que trois jours par semaine, affirme Isabelle, mais aussi de prendre une remplaçante vaccinée au cabinet, donc moi, je pouvais rester à la maison. »
« On a tout essayé pour s’en sortir financièrement »
Des solutions qui auraient été toutes refusées par l’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire. Diplômée en 2013, l’orthophoniste doit donc changer de vie du jour au lendemain. Pas si facile….
« Je me suis posé la question de travailler en usine, de donner des cours particuliers, on a essayé de chercher à droite à gauche pour s’en sortir financièrement. »
Après réflexion, c’est toute la famille qui s’est engagée dans un nouveau projet.
« Aujourd’hui, je travaille dans l’entreprise de plomberie de mon mari, mais ça a été tout un parcours parce que mon mari était salarié donc avec tout ça il a aussi fallu lancer l’entreprise ! »
Désormais, Isabelle imagine mal se désengager de la toute nouvelle entreprise familiale, même si demain, le gouvernement autorise la réintégration des soignants non-vaccinés.
« Dans quelques années peut-être » conclu-t-elle.
Laurence, de blouse en blouses.
Laurence Toreton, elle, enchaîne aujourd’hui les missions d'intérim dans l’agroalimentaire ou l’artisanat. Infirmière au CHU d’Angers, cela fait près un an qu’elle a dû quitter sa blouse de soignante. Une période qui l’a fait réfléchir sur un possible retour aux sources.
« L’hôpital en lui-même, je n’ai pas forcément envie d’y retourner, avoue Laurence, regardez les difficultés qu’on a connues avant, elles sont décuplées aujourd’hui ! Mais revenir dans mon domaine d’infirmière, évidemment, j’y retourne sans hésiter ! ».
« C’était du chantage financier »
Elle l’assure, « au moins 50% » des soignants qu’elles fréquentaient ne souhaitaient pas se faire vacciner. Mais peu ont pu assumer ce choix radical de se couper de sources de revenus.
« Beaucoup de mes anciens collègues ont des crédits sur le dos et ne peuvent pas se permettre de perdre leur travail ou d’avoir une dévalorisation salariale comme je l’ai actuellement. C’était un chantage financier. »
Le gouvernement, lui, assure s'en remettre à la Haute autorité de santé qui doit publier un nouvel avis début 2023. Selon le ministre de la santé François Braun, cette interdiction de travailler concernerait « très peu de médecins » et « 1050 infirmiers » au total. A titre d’exemple, à l’hôpital de Cholet, sur un effectif de 2 200 personnes, onze avaient été suspendues. Pour deux d’entre elles, cette suspension a été provisoire. Les autres personnes ont démissionné ou se sont placées en disponibilité.
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