Il y a d’abord eu les inquiétudes autour du vaccin d’AstraZeneca. Puis, le débat autour des exceptions à la liste des commerces priés de fermer. Enfin, la première version de l’attestation proposée samedi a été très critiquée par sa complexité. Au point que le gouvernement a rétropédalé dans le week-end. Pour la porte-parole du ministère de l’Intérieur, Camille Chaize, "les décisions ont été prises dans l’urgence. [...] Dorénavant, les règles ont été simplifiées". Il n’empêche. C’est un nouveau couac qui accentue la méfiance des Français à l’égard des politiques.
Il faut dire que le message n’est pas très clair. Certains ministres, ce week-end, qui n’étaient pas complètement au fait de ce qui était interdit ou non, ont eu du mal à assurer le service après-vente. Il y a aussi la question de la sémantique autour du mot "confinement". Vendredi 19 mars, Emmanuel Macron a dit qu’il n’était pas adapté à la stratégie présentée la veille. Il avait même demandé au Premier ministre de ne pas le prononcer. Pourtant, dans les infographies présentées par Jean Castex il y avait bien écrit "mesures de confinement". Et le Premier ministre l’a même employé à plusieurs reprises, sans toutefois qualifier les nouvelles mesures de confinement dans les 16 départements soumis à restriction.
Mais pour le politologue Olivier Rouquan, cela montre tout de même un dysfonctionnement au sommet de l’État, notamment entre le Premier ministre et le président. "Sous Hollande, on avait des dysfonctionnements", explique Olivier Rouquan, "mais c’était plus les ministres par rapport au Premier ministre, que le Premier ministre par rapport au Président."
Autre élément à prendre en compte : nous sommes à quasiment un an de l’élection présidentielle. Et c’est une donnée qui commence à peser dans les décisions. Selon Alexis Massart, directeur de l'Ecole européenne de sciences politiques et sociales de l'Université catholique de Lille, "à un an de l’élection présidentielle, le regard qu’il porte est de plus en plus politique sur la gestion de la crise".
Après les tâtonnements du week-end, le gouvernement a essayé justement de rendre son message plus clair, avec un nouveau slogan : "Dedans avec les miens, dehors en citoyen". Jean Castex a présenté à ses ministres lundi soir une nouvelle communication. Ce qu’on peut faire et ne pas faire devraient être relayées via des infographies qui seront diffusées dans les jours à venir. Avec un rappel des consignes : à l'intérieur, "je ne reçois pas chez moi, je ne vais pas chez les autres, je télétravaille". Et des règles à l'extérieur : "je peux retrouver des amis, mais à 6 maximum, en évitant de boire ou manger si je ne suis pas seul."
Mais pour le politologue Alexis Massart, il s’agit surtout d’une gestion du temps, et de la lassitude des Français. "Désormais ce sont des mesures qui ne sont plus nationales, ciblées, afin de raconter une autre histoire qui est : dans les lieux où on a vraiment franchi un cap problématique, on prend nos responsabilités. Mais en même temps, on donne un message aux régions qui ne sont pas touchées en disant : soyez responsables, pour éviter de nous amener à prendre la même décision", explique-t-il.
Depuis le début de la pandémie, le gouvernement est régulièrement critiqué pour sa communication, et son manque de pédagogie. Laurent Chambaud, médecin de santé publique et directeur de l'École des hautes études en santé publique, propose la mise en place de relais locaux : "On privilégie beaucoup les informations descendantes, verticales et coercitives. Et je trouve qu’on ne joue pas assez sur le registre d’une information beaucoup plus partagée". Laurent Chambaud imagine des sortes d’ambassadeurs Covid, dans les entreprises, les quartiers ou les associations, qui pourraient informer les gens, là où ils se trouvent.
Avec ces nouvelles mesures de restriction, le gouvernement a choisi de suivre, comme l’a décrit Jean Castex, une troisième voie qui consiste "à freiner sans enfermer", qui n'est pas sans rappeler la stratégie politique d'Emmanuel Macron du "en même temps". Une expression qu'il avait beaucoup employée au moment de sa campagne en 2017. Pour le politologue, Alexis Massart, la gestion de la crise d'Emmanuel Macron peut en être l'illustration : "Le en même temps est un élément structurant du macronisme. En même temps, il faut gérer une crise sanitaire; en même temps, il faut protéger d’une trop grosse crise économique et sociale. Et il faut ajouter, en période préélectorale, l’élément électeur-citoyen." Reste à découvrir maintenant comment les Français vont accepter cette stratégie du "en même temps".
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