J’ai trouvé samedi dans le quotidien Le Monde une pleine page de publicité rendant hommage à Ricardo Bofill, décédé le 14 janvier dernier à l’âge de 82 ans. Ce n’était pas la famille ou les collaborateurs de cet architecte espagnol qui célébraient sa mémoire. Une telle initiative aurait déjà été inhabituelle. Or, de manière tout à fait inédite, la page de publicité était cosignée par les maires des communes de France où Ricardo Bofill a construit des bâtiments dans les années 1980. En l’occurrence, Cergy, Metz, Montpellier, Noisy-le-Grand, Paris et Saint-Quentin-en-Yvelines.
Lui-même fils d’un architecte, Ricardo Bofill était originaire de Barcelone, ville à laquelle il est resté fidèle toute sa vie. Exclu de l’université en raison de son opposition au régime autoritaire du général Franco, il finira ses études d’architecture à Genève. Sa carrière débute en Catalogne mais elle prend un essor international lorsque le maire de Montpellier, Georges Frêche, lui commande un nouveau quartier dénommé Antigone.
L’architecture en est spectaculaire, rompant avec les lignes droites et sans ornement de l’architecture de moderne. Bofill introduit des courbes, habille les façades de colonnes et de frontons, en écho avec l’architecture antique et le classicisme du XVIIIe siècle. C’est l’introduction en France de l’architecture dite postmoderne.
Antigone eut beaucoup de retentissement. Ce qui amena à Ricardo Bofill d’autres commandes en particulier en Île-de-France. Mais aussi dans le monde entier. Au total, l’agence Bofill aura réalisé un millier de projets.
À vrai dire, pas très bien. Derrière des façades solennelles, les logements réalisés par Bofill étaient assez quelconques, guère différents des autres logements sociaux. Ce n’est pas la faute de l’architecte mais les bâtiments n’ont pas été suffisamment entretenus et ont perdu de leur allure. Enfin, certains immeubles sont d’une architecture quelque peu angoissante. Ce n’est pas un hasard si les Espaces d’Abraxas, à Noisy-le-Grand, ont été utilisés comme décor pour des films de science-fiction assez angoissants comme Brazil ou Hunger Games.
D’abord parce que ces architectures n’ont pas que des défauts ! Le style Bofill a donné un coup d’arrêt aux grands ensembles de logements faits de tours et de barres. On a désormais construit des immeubles beaucoup plus petits, beaucoup plus diversifiés dans leur architecture. Et ce fut un réel progrès. Une deuxième raison est que ces bâtiments, par leur succès médiatique, ont accru la notoriété des communes concernées. Bofill a été, en Europe, le premier "starchitecte" dont les maires allaient chercher la signature. Le phénomène a pris depuis beaucoup d’ampleur. Cet homme a fait comprendre qu’une architecture ambitieuse pouvait modifier l’histoire d’une ville. Les maires peuvent lui en être reconnaissants, mais aussi tous ses confrères architectes.
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