"On a l'impression que les moines sont inscrits dans une espèce d'éternité, de façon immémoriale depuis les origines du christianisme." Mais ce n'est qu'une impression, prévient Danièle Hervieu-Léger. Dans son dernier ouvrage, la sociologue a voulu confronter le monachisme à la modernité. Elle signe "Le temps des moines" (éd. PUF), une belle et grande enquête de plus de 700 pages et richement documentée. Qui montre combien l'institution a traversé "toutes sortes de tribulations, de réformes et de changements". En 2017, l'institution est bel et bien là, véritable signification prophétique pour le christianisme de demain.
Après cinq années de présidence de l'EHESS, Danièle Hervieu-Léger voulait revenir au terrain. Spécialiste des religions, elle a reçu "partout", dans toutes les abbayes cisterciennes et bénédictines où elle est allée, un "très bon accueil", avec des gens qui "n'essayaient pas de donner une image enchantée du monachisme". Elle dit avoir rencontré des personnes pour qui "la raison" est "largement aussi importante dans leur vie que la foi".
Ce qui étonne le plus parmi les conclusions de l'enquête, c'est la grande capacité d'innovation des monastères. Ce que la sociologue explique par "la grande familiarité des moines avec les textes, la recherche biblique, scripturaire, patristique".
L'ouvrage de Danièle Hervieu-Léger relève autant du terrain que de la sociologie historique. "Je n'ai pas cherché à reconstituer une histoire linéaire de toutes les refondations monastiques, précise-t-elle, mais à isoler des types par rapport auxquels mesurer des évolutions."
Danièle Hervieu-Léger a eu notamment la surprise de constater "à quel point s'étaient anticipé dans les monastères dès le milieu des années 50, toutes sortes d'ébullitions intellectuelles, de mouvement divers, qui préparent le concile Vatican II". Au milieu des années 50 en effet, les moines "assument de façon définitive que l'on ne reviendra pas au temps d'une Église qui gouverne le monde et la société".
Par conséquent, comment penser l'accomplissement du royaume sur terre? Cette question est au cœur de la vie des monastères, qui vivent au rythme des hommes le temps de Dieu. Une question dont les enjeux sont décisifs. Si les travaux des moines ont constitué un apport non négligeable aux réflexions des pères conciliaires lors de Vatican II, c'est qu'ils trouvé dans l'unité une forme d'accomplissement du royaume.
Sociologue des religions, Danièle Hervieu-Léger a été directrice d’études puis présidente de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). En 2010, elle a co-écrit un "Dictionnaire des faits religieux" (éd. PUF).
- émission diffusée le 1er mars 2017 -
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