Lors d’une visite au Festival du livre de Paris dimanche 14 avril 2023. Emmanuel Macron a annoncé vouloir mettre en place une « contribution » sur le marché du livre d’occasion. L’idée d'une taxe fait beaucoup réagir chez les professionnels du livre et chez les lecteurs.
L’idée d’une taxe sur les livres d’occasion a d’abord été lancée par les professionnels du livre neuf qui font face à une concurrence croissante de la vente de livres d’occasion. Le marché s’est notamment développé grâce à la vente en ligne entre particuliers sur des plateformes telles que Vinted et Leboncoin. Selon la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit, le marché du livre d’occasion a augmenté de 30 % en dix ans. Actuellement, un livre vendu sur cinq est un livre d’occasion. Le problème est que les éditeurs et les auteurs ne gagnent de l’argent que sur les ventes de livres neufs. C’est pourquoi ils réclament cette nouvelle taxe. Les pistes étudiées seraient d’une contribution d’environ 3 % par livre d’occasion, soit 20 à 30 centimes par exemplaire.
L’association Emmaüs est une revendeuse historique de livres. Aujourd’hui Label Emmaüs, sa boutique en ligne, propose plusieurs milliers de références. Maud Sarda, la directrice générale, n’est pas opposée sur le fond de la mesure, mais s’inquiète de son impact. "Les plateformes qui détiennent la majorité de la vente de livre d’occasion en France c’est pas du tout le même modèle que Label Emmaüs qui propose des livres qui sont référencés par des personnes en insertion dans un modèle totalement solidaire puisque 100 % des bénéfices sont réinvestis dans l’outil de travail et nos marges sont quasi inexistantes. On est déjà dans un modèle qui est un peu déficitaire, donc comment va-t-on faire pour trouver la marge suffisante pour dégager cette contribution aux droits d’auteur ?" réagit-elle.
Parmi les grands acheteurs de livres d’occasion figurent en bonne position les étudiants. Pour eux cette nouvelle taxe pourrait peser lourd sur leur budget alors que certains livres sont obligatoires dans leur cursus.
Pour Sandra Biche, chargée des affaires sociales du syndicat étudiant la FAGE, certains étudiants risquent d’être "précarisés par cette mesure." Elle ajoute : "parfois, on parle de quelques euros, mais quelques euros dans le budget d’un étudiant, c’est parfois une semaine de repas à un euro au CROUS."
Alors que la ministre de la Culture n’a pas encore fait d’annonces plus détaillées concernant à quoi ressemblera exactement cette taxe, d’autres pistes peuvent être étudiées.
Le directeur de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit, Geoffroy Pelletier, avance l’exemple des droits de prêt des bibliothèques : "le dispositif fonctionne très bien pour compenser le manque à gagner des auteurs et des éditeurs quand les livres sont achetés par les bibliothèques. C’est un système qui a permis que la lecture publique continue de se développer, mais que la diffusion marchande du livre continue aussi de se d’être rémunérée. On peut trouver un système aussi intelligent pour le marché du livre d’occasion."
Maud Sarda, directrice générale de Label Emmaüs avance que les invendus neufs des éditeurs pourraient être fléchés vers les associations de solidarité plutôt que d’être pilonnés.
Interrogé sur le sujet sur France Culture, Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition, a souhaité que cette contribution ne vise que les grands groupes industriels comme Amazon, eBay, Rakuten, ou Momox.
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