On les appelle MIE, pour mineurs isolés étrangers, ou MNA, pour mineurs non-accompagnés. Ces jeunes migrants sont de plus en plus nombreux. Leur accueil en France est de plus en plus compliqué avec des dispositifs d’hébergement et de suivi totalement saturés.
Le sujet est très sensible, et fait l’objet de discussions lundi 12 mars entre le Premier ministre et l’Assemblée des départements de France. Les conseils départementaux et les associations qui viennent en aide à ces jeunes migrants, attendent une réaction de l’Etat.
L'an dernier, le nombre de jeunes migrants mineurs seuls a explosé. Près de 15 000 de ces jeunes ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance, soit une hausse de 85 % sur un an. Aujourd’hui leur nombre "dépasserait les 25 000" selon un rapport commandé par Matignon à l'inspection générale des affaires sociales, l'assemblée des départements de France et l'inspection générale de la justice.
Aujourd'hui, la mise à l’abri de ces mineurs relève des départements et le phénomène surcharge les dispositifs d'aide à l'enfance qui ne sont initialement pas conçus pour eux. Ce qui pose un problème logistique et économique comme l’explique le président du Conseil départemental du Nord. René Lecerf au micro d’Elise Le Mer.
Deux options sont aujourd'hui sur la table avec des répercussions différentes. Le rapport remis au Premier ministre envisage un premier scenario qui prévoit "que l'Etat rembourse les départements" avec une "augmentation significative de sa participation financière" mais des "compétences inchangées". Son coût varierait entre 70 et 106 millions d'euros par an.
Le second scénario, qui a d’avantage la faveur des départements, envisage un "transfert des compétences à l'Etat" en matière de mise à l'abri et d'évaluation des mineurs, pour un coût évalué à 125 millions d'euros par an. Cela supposerait de créer un "parc spécifique d'hébergement".
Le préfet serait responsable de la mise en œuvre de l'évaluation. Mais les associations d’aides aux migrants ne sont pas favorables à ce que ces migrants mineurs passent du giron du ministère de la Justice à celui de l’Intérieur. Il y a la question de la mise à l'abri de ces mineurs, mais également celle de l'évaluation de ces jeunes.
Et notamment en ce qui concerne leur âge. Sont-ils réellement mineurs ? Il y a eu 50 000 évaluations l’an dernier. En moyenne chaque évaluation dure 40 jours afin de vérifier les documents administratifs en la possession du jeune, s'il en a. Ce qui n’est pas toujours le cas. Effectuer des entretiens, traduire, pratiquer des examens médicaux avec des analyses osseuses pour déterminer si la croissance est achevée par exemple. Le problème est que cette évaluation n’est pas uniforme sur le territoire national. Certains jeunes passent ainsi d’un département à un autre. Pour la Cimade, la remise à plat s’impose mais pas n’importe comment.
Le rapport remis à Edouard Philippe propose d’organiser un "bilan de santé systématique" et la création d'un "fichier national biométrique". La Cimade et d’autres structures s’y opposent. De son coté, la semaine dernière, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a quant à lui insisté sur l’importance de la qualité de cette évaluation.
Il propose l’élaboration d’un guide national à destination des opérateurs et des départements, proscrivant les examens d’âge osseux, et décrivant les procédures qui préservent la dignité des personnes. Le Défenseur des droits préconise la création d’un véritable administrateur ad hoc, indépendant, financé par l’Etat, nommé pour accompagner le jeune jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été rendue le concernant.
Reste enfin l'épineuse question des jeunes qui ont été évalués comme majeurs, mais qui contestent cette évaluation en saisissant le juge. C'est l'un des problèmes les plus complexes du dossier des MIE. Ceux-ci "peuvent passer plusieurs mois à la rue", reconnaît le rapport, qui note que leur mise à l'abri systématique coûterait entre 24 et 108 millions d'euros, selon la durée des recours. Pour Pierre Henry directeur de France Terre d'Asile, le fond du problème n’est pas une question d’âge mais bien le manque général de structures pour gérer les migrants vulnérables en France.
Le Défenseur des droits déplore d’ailleurs une diminution des contrats "jeunes majeurs" induisant des fins de prises en charge brutales et parfois dramatiques. Il s’est ainsi récemment saisi d’office après le suicide d’un jeune majeur, ancien mineur non accompagné. Il appelle l’Etat à s’impliquer davantage dans le soutien aux jeunes majeurs en renforçant les dispositifs d’hébergement et d’accompagnement social pour les jeunes de 18 à 25 ans.
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