Violées respectivement au Mans et à Rennes par un prêtre de l'Emmanuel, deux femmes souhaitent que la responsabilité civile de la communauté soit engagée. L'assignation de la communauté devant le tribunal judiciaire de Nanterre par la première victime devrait être suivie par celle de la seconde. Les faits ont eu lieu entre 2010 et 2019 et le curé a été renvoyé de l'état clérical en 2023.
L'officialité interdiocésaine de Rennes a renvoyé le père Benoît Moulay à l'état laïc en juillet 2023. Ce dernier, qui était jusqu'en 2017 curé au Mans, n'a pas fait appel de la sentence canonique. Il était jugé par ses pairs pour "des plaintes pour abus sexuels et de pouvoirs commis sur des femmes majeures dans l'exercice de sa charge ecclésiastique" selon l'évêque du Mans Monseigneur Jean-Pierre Vuillemin.
"Mes clientes ont d'abord tenté de neutraliser leur agresseur en portant plainte au pénal mais l'affaire a été classée même si ce dernier a reconnu l'absence de consentement [Ndlr : il reste donc innocent aux yeux de la loi française]" explique maître Aymeric de Bézenac, avocat des deux fidèles. Interrogé par le Maine Libre en juillet 2023, le procureur de Rennes avait précisé que cette contrainte n'avait pas été suffisamment caractérisée. Toujours selon leur conseil, les deux femmes ont engagé la procédure canonique "pour que leur agresseur ne puisse plus profiter de son statut de prêtre pour commettre ce type de faits."
La nouvelle procédure se fonde sur des éléments issus de l'enquête canonique que les victimes ont pu consulter à l'issue de la procédure. Leur avocat constate que "souvent, quand un prêtre est condamné, le diocèse ou la congrégation à laquelle il appartient ne le sont pas" avant de poursuivre sur le fait que "[mes clientes] souhaitent inverser la tendance et que la communauté qui a commis des négligences et des défaillances voient sa responsabilité reconnue."
Selon lui, les défaillances de la communauté de l'Emmanuel, qui est une association publique internationale de fidèles de droit pontifical, sont "un fil rouge dans une histoire de 20 à 25 ans. À deux reprises et à l'unanimité, les responsables du diocèse de Nantes, où Benoît Moulay a suivi sa formation, s'étaient opposés à son ordination" et affirme avoir décelé dans des courriers entre le diocèse du Mans et la communauté "une forme de pression exercée par l'Emmanuel pour que ce prêtre soit ordonné." Autre négligence pointée du doigt par Me de Bézenac, le fait que Benoît Moulay ait été prêtre "sans aucune restriction de ministère ou suivi étroit alors qu'il y avait plusieurs signalements [Ndlr : pour attouchements sexuels] au début des années 2000 et que ceux-ci n'ont jamais été traités convenablement, que ce soit par le diocèse du Mans que par la communauté de l'Emmanuel."
Cependant, la procédure civile ne concerne pas le diocèse du Mans pour une raison que détaille l'avocat des victimes : "Le supérieur hiérarchique de Benoît Moulay au sein de la communauté de l'Emmanuel, Yves Le Saux a été nommé évêque du Mans [Ndlr : en 2008 et jusqu'en 2022]. Contrairement aux usages, celui-ci n'a jamais réellement coupé les ponts avec l'Emmanuel." Par ces liens, l'homme de loi estime qu'il s'agit là "d'un conflit d'intérêts car Mgr Le Saux a agi en tant que représentant de l'Emmanuel dans son diocèse" et, plus grave, il accuse le prélat "d'avoir couvert l'Emmanuel de bout en bout."
C'est pour ces raisons que seule la communauté est poursuivie en justice par les deux paroissiennes. Dans cette procédure civile, celles-ci vont demander la reconnaissance et l'indemnisation des dommages moraux et physiques. Ce 7 octobre aura lieu une première audience de procédure et les plaidoiries ne devraient pas se tenir avant fin 2025.
[Mis à jour le 25 juillet] : Benoît Moulay a indiqué à la rédaction de RCF Sarthe ne pas souhaiter répondre à nos questions.
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